L’actualité de la semaine vue par Florence Kapila

Photo/ droits tiers
Photo/ droits tiers

De la séance de travail pour le développement du corridor de lobito à la rencontre entre Moïse Katumbi et Martin Fayulu en Belgique en passant par la chute du président syrien Bachar al-Assad, la semaine qui vient de s’achever a été riche en actualités. Retour sur chacun des faits marquants avec Florence Kapila.

Merci de nous accorder de votre temps Madame. Pouvez-vous nous parler brièvement de vous?

Florence Kapila : Je suis médecin dentiste à l'hôpital général de référence de Matete, et actrice socio-politique. Je suis également vice-présidente de l'association Les Femmes de valeurs, une association qui prône la promotion de la femme dans tous les domaines de la vie, tout en respectant l'éthique et nos valeurs africaines indéniables.

La RDC a obtenu un nouveau procès contre le Rwanda devant la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. Ce procès, qui portera sur les allégations de tueries et de pillages dans l'Est du pays, se tiendra le 12 février 2025 à Arusha, en Tanzanie. Quels peuvent être, selon vous, les enjeux juridiques et politiques de ce procès ?

Florence Kapila: Sur le plan juridique, il s’agit de faire reconnaître les violations des droits humains présumées, notamment les tueries et pillages dans l’Est du pays. Cela pourrait renforcer les mécanismes de responsabilité internationale et marquer une avancée significative dans la lutte contre l’impunité. Politiquement, ce procès pourrait exacerber les tensions entre la RDC et le Rwanda, mais aussi offrir un cadre pour la justice et la réconciliation si les responsabilités sont clairement établies.

Quelles sont vos attentes quant à l'issue de ce procès ?

Florence Kapila: Je nourris l'espoir que la Cour africaine rende une décision juste et équitable, qui condamne fermement les auteurs des violences et qu’elle permette d’établir des mécanismes de réparation pour les victimes. Ce procès pourrait également servir de signal fort contre l'impunité pour les violations des droits humains dans la région.

Les présidents de la RDC, de l'Angola, de la Zambie et le vice-président de la Tanzanie se sont réunis à Lobito pour discuter du développement du corridor économique. Cette rencontre coïncide avec la visite en Afrique du président américain qui a apporté son soutien à ce projet stratégique d'intégration régionale. Quels sont, selon vous, les principaux avantages et défis du développement de ce corridor économique ?

Florence Kapila : Le corridor économique entre la RDC, l'Angola, la Zambie et la Tanzanie offre des opportunités considérables pour renforcer l'intégration régionale, stimuler les échanges commerciaux et améliorer les infrastructures. Cependant, les défis restent nombreux, notamment en matière de sécurité, de gouvernance et de coordination entre les différents États. Il sera essentiel de s’assurer que les populations locales bénéficient réellement de ce projet, notamment en termes de création d’emplois et d’accès aux services de base.

Comment assurer une gouvernance transparente et inclusive de ce projet afin de maximiser ses bénéfices pour les populations locales ?

Florence Kapila : Les décisions doivent être prises en consultation avec les communautés locales, et les mécanismes de contrôle doivent être mis en place pour éviter la corruption et garantir que les bénéfices profitent à tous. Des comités de suivi avec des représentants des populations locales et de la société civile pourraient être envisagés pour une gouvernance participative.

Ce week-end, Martin Fayulu et Moïse Katumbi se sont rencontrés à Genval, en Belgique. Cette rencontre marque une étape dans les efforts de l’opposition pour formaliser une coalition contre le projet controversé de révision constitutionnelle souhaité par le président Félix Tshisekedi. Quels peuvent être, selon vous, les enjeux politiques de cette rencontre ?

Florence Kapila : Cette rencontre pourrait marquer une étape importante pour l’opposition, qui cherche à se structurer face au projet de révision constitutionnelle du président Tshisekedi. Les enjeux sont multiples : la consolidation de l’opposition, la mise en place d’un front uni pour faire face à ce projet controversé, et l’anticipation d’une éventuelle campagne électorale.

Une peine de huit ans de prison pour faux et usage de faux, ainsi que pour diffamation publique, a été requise contre Denise Dusauchauy Mukendi. Quant à Jacky Ndala, partie civile dans ce procès, il continue d'être en détention. Comment évaluez-vous cette affaire au regard des principes de la liberté d'expression et de la présomption d’innocence ?

Florence Kapila : L’affaire soulève des questions fondamentales concernant la liberté d’expression et la présomption d’innocence. Si des faits de diffamation sont avérés, il est essentiel que le jugement soit rendu dans le respect des droits fondamentaux des personnes accusées. Cependant, l’utilisation abusive des lois contre la diffamation peut parfois être instrumentalisée pour étouffer des voix critiques, ce qui représente un risque pour la liberté d’expression en RDC.

Quelles peuvent être les conséquences de cette affaire sur le droit des personnes à porter plainte en cas de violences sexuelles ?

Florence Kapila: L’utilisation de procédures judiciaires pour intimider ou réduire au silence les victimes de violences sexuelles pourrait dissuader d'autres personnes de porter plainte. On se doit de protéger les témoins et les victimes dans les affaires liées aux violences sexuelles, et de garantir que la justice soit rendue sans discrimination ni pression politique.

Comment garantir une meilleure protection des victimes de violences sexuelles en RDC ?

Florence Kapila: plusieurs actions peuvent être mises en place, notamment:
- renforcer les infrastructures judiciaires pour assurer une justice rapide et équitable, en garantissant que les coupables de violences sexuelles soient traduits en justice.
- améliorer l’accès aux soins de santé, à l’assistance psychosociale et juridique pour les victimes. 
- sensibiliser la population à déconstruire les stéréotypes qui stigmatisent les victimes de violences sexuelles, afin qu'elles osent dénoncer leurs agresseurs. 
- Enfin, les autorités publiques, les ONG et les organisations communautaires doivent travailler de concert pour créer un environnement sécurisé et inclusif où les victimes peuvent se reconstruire.

Le 25 novembre de chaque année marque le début de la campagne des 16 jours d’activisme contre les VBG. Quelles mesures concrètes peuvent être mises en œuvre pendant cette campagne pour lutter contre les violences basées sur le genre ?

Florence Kapila : La campagne des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre (VBG) est un moment stratégique pour sensibiliser et agir. Parmi les mesures concrètes, je propose :
- Des ateliers de sensibilisation dans les communautés locales pour encourager la dénonciation des violences et informer les victimes sur leurs droits et les recours possibles.
- Le renforcement des services de soutien aux victimes, comme les cliniques mobiles de santé, des lignes d'assistance téléphonique et des centres de réhabilitation.
- Le plaidoyer pour une législation plus forte contre les violences basées sur le genre, en collaborant avec les autorités locales et nationales pour l’adoption de lois et de politiques de protection.
- Des actions de mobilisation sur les réseaux sociaux pour toucher un large public et inciter à l’engagement citoyen dans la lutte contre les violences sexistes.
Cette campagne doit aussi inclure des moments de commémoration pour honorer les survivantes et les victimes, et rappeler que la lutte contre les VBG est un combat quotidien.

Quels sont les principaux défis qui restent à relever pour éradiquer les violences basées sur le genre en RDC ?

Florence Kapila : Les défis sont nombreux, mais les principaux restent :

- L’impunité généralisée : les violences sexuelles et les violences basées sur le genre sont souvent ignorées par le système judiciaire, ce qui encourage les agresseurs à continuer leurs actes en toute impunité.
- La stigmatisation des victimes : dans certaines communautés, les victimes de violences basées sur le genre sont souvent vues comme responsables de ce qui leur arrive, ce qui freine leur volonté de dénoncer et de rechercher de l'aide.
- Le manque de ressources : les infrastructures d’accueil et de soutien aux victimes sont insuffisantes, en particulier dans les zones rurales et les régions en conflit.
- Les mentalités et normes sociales patriarcales : Il est essentiel de changer les mentalités et d’impliquer les hommes dans la lutte pour l'égalité des genres, car ces violences sont souvent enracinées dans des normes sociales discriminatoires.

L’élimination de ces obstacles nécessitera un travail de sensibilisation à grande échelle, une amélioration des structures judiciaires et une action politique forte.

Les Léopards handball seniors dames de la République démocratique du Congo ont arraché la 5e place lors de la 26e édition du Championnat d'Afrique féminin de handball. Quel regard portez-vous sur leurs performances et sur l'impact de ces succès pour le développement du sport féminin en RDC ?

Florence Kapila : Je salue les performances des Léopards handball seniors dames qui ont brillamment décroché la 5e place au Championnat d’Afrique féminin de handball. Cela témoigne non seulement de leur talent, mais aussi de la résilience et de la détermination des femmes sportives en RDC. Ce succès est un message fort pour la promotion du sport féminin et pour encourager davantage de filles et de femmes à s’engager dans des activités sportives. En outre, il met en lumière le potentiel du sport en tant qu’outil d’émancipation et de renforcement de l’autonomie des femmes. Cependant, pour que ces performances aient un véritable impact à long terme, il est important d’investir dans les infrastructures sportives et dans la formation des jeunes talents, en particulier pour les filles. Le soutien des autorités et des entreprises privées est également crucial pour assurer la pérennité de ces succès.

Confronté à l’entrée des rebelles dans la capitale, Bachar al-Assad a quitté la Syrie. Quel impact ceci pourrait-il avoir sur la stabilité régionale et les relations internationales, selon vous ?

Florence Kapila : Ceci pourrait entraîner un vide de pouvoir en Syrie, avec des conséquences potentiellement déstabilisatrices, notamment en matière de sécurité et de gouvernance. Le contrôle de certaines zones pourrait être contesté entre diverses factions locales, ce qui risquerait de prolonger le conflit interne et d’aggraver les souffrances de la population civile.
Sur le plan régional, un tel événement pourrait modifier les équilibres géopolitiques, affecter les relations entre les puissances comme les États-Unis, la Russie, l'Iran et les pays voisins, et redéfinir les alliances et les stratégies dans la région. Enfin, un changement de leadership en Syrie pourrait avoir des répercussions sur les réfugiés syriens, avec un impact direct sur les pays voisins, y compris le Liban, la Jordanie et la Turquie.


Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka