Tribune.
A quelque chose malheur est bon, dit-on. Le report d’une semaine des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales, initialement fixées au 23 décembre 2018, constitue une heureuse opportunité pour la Commission électorale nationale indépendante (CENI), non seulement de finaliser sereinement les opérations techniques mais aussi de créer un meilleur climat de confiance dans le processus électoral. C'est dans la perspective d’améliorer la perception de l’opinion nationale de l’intégrité de l’organisation de ces scrutins ; une nécessité pour la consolidation de la démocratie congolaise.
Ceci requiert, entre autres, de la CENI de clarifier les candidats et les électeurs sur les différents aspects de la fonction de la machine à voter jadis rejetée par l’opposition politique qui, dans son ensemble, a fini par admettre sans soutenir cette modalité technique singularisant le troisième processus électoral en RDC. En effet, l’imprécision plane sur le mariage entre les termes des articles 49 et 65 de la Décision n° 001 BIS/CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée à ce jour. Le premier article cité dispose : « Le Bureau de vote (…) est pourvu de tout le matériel électoral requis et, notamment :
Force est de constater qu’il n’y est nullement fait mention de la fonction de comptage de voix attribuée à la machine à voter. Il va sans dire que, suivant cette disposition, la machine à voter consiste essentiellement à imprimer le bulletin de vote. Ce après avoir libéré l’électeur des contraintes que lui imposaient jadis l’épaisse liste des candidats. Sur ce point, la machine à voter relève indubitablement d’une innovation salvatrice dans un pays-continent à une démographie électorale galopante.
Cependant, le second article cité suggère une autre fonction de la machine à voter à la base des inquiétudes et appréhensions exprimées non moins légitimement ci et là. Il s’agit du dépouillement électronique de votes. Cet article dispose en effet : « A la fin du dépouillement, le président (du Bureau de vote) ordonne l’impression par le secrétaire la fiche des résultats de la machine à voter. Le résultat obtenu pour chaque scrutin par chaque candidat est comparé à celui sur la fiche des résultats du scrutin concerné issue de la machine.
En cas de divergence, le résultat issu du dépouillement manuel prime sur le résultat calculé par la machine. Il est procédé à l’établissement du procès-verbal de dépouillement et de la fiche des résultats sur base du comptage manuel.
Sous la supervision du président, le secrétaire du bureau de dépouillement consigne les informations recueillies dans un procès-verbal de dépouillement signé par lui et les autres membres de son bureau, contresigné par les témoins présents.
La fiche des résultats de chaque scrutin issue de la machine à voter est signée par tous les membres du Bureau de vote et de dépouillement ainsi que les témoins présents et les cinq électeurs désignés. »
Quoique la primeur soit accordée au comptage manuel, l’insertion de l’intelligence informatique dans le processus de dépouillement de votes peut comporter un avantage et un inconvénient. Il concourt à favoriser la certitude grâce à la comparaison qu’elle impose à cette phase de l’entreprise électorale. Mais elle peut également constituer une brèche susceptible d’inspirer des esprits disposés à la commission des actes répréhensibles. Ce notamment dans les milieux les plus reculés du pays dépourvus d’un réseau routier moderne et non arrosé par les réseaux téléphoniques.
Après le volte-face de la plateforme électorale Lamuka en soutien à Martin Fayulu, candidat à l’élection présidentielle, jadis farouchement opposée à l’usage de la machine à voter, il est non moins utile que la CENI profite du report des élections et de la fin de la campagne électorale pour baliser le chemin à la réduction de la marge de contestations des résultats pouvant découlant d’une lecture confuse de l’usage de la machine à voter, bien que non prévue dans la loi électorale. Ceci pouvant porter atteinte à la transparence des élections et nuire à la légitimité des candidats proclamés élus.
La transparence est exigée tant dans la conception des modalités d’organisation des scrutins que dans la clôture des opérations donnant lieu à la proclamation des résultats. Il sied de noter que les problèmes susceptibles de porter préjudice à l’intégrité électorale, pour lesquels la transparence est exigée davantage, concernent l’administration et la gestion des élections, l’inscription des électeurs et l’enregistrement des candidats, le déroulement de la campagne électorale, le financement des candidats, le déroulement des scrutins et le dépouillement des bulletins.
A quelques jours de la tenue des élections, il est impérieux que les conditions de transparence soient clairement établies et davantage expliquées pour favoriser dans le chef des parties prenantes (candidats et électeurs notamment) de la confiance à l’endroit de la CENI. Il y va de la fierté nationale.
Martin ZIAKWAU Lembisa
Internationaliste, il est auteur du livre : Accord-cadre d'Addis-Abeba : Portée et incidence sur la République démocratique du Congo.
Analyste politique