Plus de 20 jours après le meurtre crapuleux du député et opposant Chérubin Okende à Kinshasa, l’enquête va devoir commencer afin de faire la lumière sur cet acte. Jeudi 3 août, une autopsie du corps de M. Okende a été réalisée avec la collaboration d'experts belges, sud-africains et de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO), en présence des membres de la famille du défunt.
L’accompagnement d’experts internationaux est important à toutes les étapes de l’enquête pour la crédibilité, a estimé Jean-Mobert Senga, chercheur à Amnesty International.
« La participation des experts internationaux, qu’ils soient de la MONUSCO ou d’autres pays associés à l’enquête, est importante pour garantir la crédibilité de l’enquête. Il est important que cette participation concerne toutes les étapes de l’enquête, y compris bien sûr l’autopsie. Si les autorités n’ont rien à cacher ou à se reprocher, cela ne devrait poser aucun problème », a-t-il indiqué à ACTUALITE.CD.
Après avoir réalisé l’autopsie du corps de cet ancien député national et ministre, La Voix des Sans Voix (VSV), une autre organisation de défense des droits de l’homme veut voir clair. La VSV insiste sur la nécessité de faire éclater la vérité concernant les véritables circonstances de ce crime au regard des rumeurs et des déclarations qui ont affolé la communauté et la toile concernant cet assassinat.
« Nous craignons que la vérité sur les circonstances réelles de cet assassinat ne puissent pas éclater. Malheureusement si c’est le cas, il sera difficile à la République démocratique du Congo de prévenir la commission des crimes similaires. Il faut que l’opinion publique sache pour quels motifs il a été tué, comment tout mettre en œuvre pour que les auteurs intellectuels, commanditaires et exécutants répondent de leurs actes criminels », a dit à ACTUALITE.CD Rostin Manketa, directeur exécutif de la VSV.
M. Manketa salue le recours aux experts internationaux pour l’enquête: « C’est très important pour rassurer les uns et les autres parce qu’il y a eu tellement des déclarations, des rumeurs autour de cet assassinat, les gens s’accusent. Il faut les experts indépendants pour faire la lumière sur cet assassinat », a-t-il souligné.
Quelle chance pour l’aboutissement de l’enquête
La justice congolaise avait annoncé, le même jour de la découverte du corps de M. Okende, avoir ouvert une enquête pour notamment trouver les auteurs de l’assassinat. Le procureur général près la Cour de cassation avait par la suite indiqué que le chauffeur et le garde du corps du député ont été arrêtés et sont auditionnés. Plusieurs jours après la commission de l’assassinat, les experts internationaux rejoignent l’équipe des enquêteurs. D’où, l’inquiétude de Jean-Mobert Senga qui déplore « la lenteur observée dans cette enquête ».
« D’abord, avec le temps certaines preuves sont forcément altérées. Ensuite parce que c’est un supplice supplémentaire pour la famille et les proches de Monsieur Okende. Ne dit-on pas qu’une justice retardée est une justice déniée. Leur droit à la vérité et à la justice doit être assuré de manière diligente », a-t-il fait savoir.
La VSV quant à elle reste vigilante et appelle à une enquête approfondie et impartiale pour que la lumière soit faite sur cette affaire tragique. Quel que soit le temps déjà écoulé, la vérité peut éclater grâce aux experts « rompus » requis dans cette affaire, pense le directeur exécutif de la VSV.
« Lorsqu’on est en face des experts rompus en matière d’enquête en ce qui concerne le crime, je crois que la vérité finit par éclater. Nous le voyons à travers le monde, parfois on arrive à découvrir la vérité plusieurs mois, plusieurs années après. C’est difficile pour les criminels d’échapper éternellement. Si nous avons d’experts indépendants et s’il y a la volonté des autorités de contribuer à l’éclatement de la vérité, quel que soit le temps que cela prenne, on saura qui a assassiné l’ex ministre des transports et député national et on pourra éventuellement faire de sorte que les auteurs répondent de leurs actes », a confié Rostin Manketa.
Contexte
Le corps de l’ancien ministre des transports, taché de sang, a été retrouvé dans sa voiture sur l’avenue Poids lourds au lendemain de son enlèvement par des hommes armés.
M. Okende était haut cadre et porte-parole du parti Ensemble pour la République de Moise Katumbi. Ce dernier s’est déclaré candidat à la présidentielle de décembre prochain. Cet assassinat est survenu dans un climat de terreur dans la capitale et dans certaines villes du pays à cinq mois des élections. Plusieurs opposants dont Salomon Kalonda, le conseiller spécial de M. Katumbi, le député Mike Mukebayi, aussi membre du parti Ensemble pour la République, sont aux arrêts. Franck Diongo, ancien député et proche de Katumbi a été libéré au lendemain de l’assassinat de Okende.
Patrick Maki