Plusieurs mouvements de la société civile, réunis au sein de la coalition « Congo n’est pas à vendre » (CNPAV), étaient en sit-in ce vendredi 20 décembre devant l’ambassade de la fédération Suisse à Kinshasa, pour réclamer le rapatriement de 150 millions de dollars américains payés par Glencore comme amende à la justice suisse, en rapport avec des actes de corruption en RDC.
Pour Lewis Yola, membre de CNPAV, ce rapatriement de l’argent ne peut pas se faire obligatoirement à travers des agences gouvernementales, mais plutôt à travers des mécanismes de coopération, qui impliquent également le financement de projets de développement au sein de la communauté. Ainsi, estime-t-il, cet argent pourra plus tard profiter aux véritables victimes des actes de corruption de Glencore.
« Les véritables victimes ne sont pas suisses. C’est comme s’ils voulaient profiter de l’argent pour lequel ils n’ont pas travaillé », a-t-il indiqué.
Il a également fustigé l’accord entre Glencore et le gouvernement de la RDC, qui aboutit à un versement de 180 millions de dollars au gouvernement en échange de l’arrêt des poursuites judiciaires contre le géant anglo-suisse de l'extraction minière. Cet activiste regrette que cette clause empêche le gouvernement congolais de poursuivre Glencore SA pour ses activités de corruption en RDC.
Pour sa part, Chasper Sarott, ambassadeur de la fédération suisse en poste à Kinshasa, a dit partager la frustration et la colère du peuple congolais dans cette affaire. Il indique, par ailleurs, que ce n’est pas de la faute du gouvernement suisse que cet argent ne soit pas rapatrié en RDC, mais plutôt le refus de collaborer des autorités congolaises, qui ont décidé de ne plus poursuivre Glencore SA pour les actes de corruption au pays.
« Vu qu’il n’y a pas eu cette collaboration-là, nous n’avons pas de base légale en Suisse pour restituer de l’argent qui a été obtenu grâce à une décision judiciaire en Suisse. Donc, il y a un manque de base légale pour le faire », a-t-il indiqué.
Il appelle toutefois le CNPAV à exiger du gouvernement des comptes dans le cadre des 180 millions USD reçus de Glencore.
« L’entreprise a payé 180 millions de dollars, je ne sais pas où cet argent est allé. Ça aussi mérite d’être réclamé par les citoyens congolais », a-t-il fait savoir.
Mettant en exergue la coopération entre la Suisse et la RDC, notamment avec des projets de développement depuis plus de 20 ans, Chasper Sarott a promis de faire part à sa hiérarchie de la demande de la société civile congolaise, qui tient à voir cet argent profiter aux véritables victimes.
Dans une décision du lundi 5 août dernier, le ministère public de la Confédération (MPC) suisse avait condamné Glencore SA à une amende de 2 millions de francs suisses (un peu plus de 2,240 millions USD) et à une créance compensatrice de 150 millions USD. Cette sanction avait clôturé l’enquête sur les activités de l'entreprise en RDC entre 2007 et 2017.
L’entreprise a été reconnue coupable de n’avoir pas mis en place des mesures suffisantes de prévention de la corruption d'agents publics étrangers par un partenaire commercial, l’Israélien Dan Gertler en l’occurrence, suite à l'acquisition de participations minoritaires dans deux sociétés minières congolaises.
Entre 2007 et 2017, à travers Glencore, Dan Gertler a versé environ 100 millions USD de pot-de-vin à des officiels africains, notamment congolais, pour obtenir le droit d’exploitation minière à un prix quatre fois inférieur à celui proposé à d’autres concurrents de Glencore de l’époque, selon un rapport de l’ONG Ressource Matters.
Bruno Nsaka