RDC : le Parlement ayant abrogé imprudemment le code de droit international privé congolais, les prof MWANZO et KUMBU réfléchissent sur un avant-projet de loi en coopération avec une université allemande

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Quel est le texte applicable actuellement en République Démocratique du Congo en matière de droit international privé ? Sur quelle base un juge saisi des faits relevant du droit international privé tranchera-t-il ?

Exemple : une marocaine résidant en France conclut au Congo un contrat de travail avec une société belge basée à Kinshasa. Le contrat de travail doit s’exécuter en Belgique. En cas de litige fondé sur la procédure de son licenciement, quel est le juge compétent ? Un congolais né en Belgique et décède en Pologne où sa succession est ouverte, alors qu’il laisse des biens meubles et immeubles au Congo. Quelle est la loi applicable quant aux biens se trouvant au Congo ?

En effet, dans sa version première de 1987, et jusqu’avant la révision de 2016, l’article 215 de la loi portant code de la famille disposait ce qui suit : « est abrogé, le décret du 4 mai 1895 portant code civil livre 1er, à l’exception du Titre II ». Et c’est ce Titre II qui a survécu à l’abrogation du code civil livre 1er, qui constituait le fondement juridique de l’essentiel du droit international privé congolais (article 7 à article 15). Il était même qualifié par la doctrine de « code de droit international privé congolais ».

Fort malheureusement, dans la précipitation de la révision du code de la famille intervenue le 15 juillet 2016, cet unique article grâce auquel survivait encore le code civil livre 1er d’heureuse mémoire, l’article 915, a été abrogé. Paix à son âme.

Deux positions s’opposent :

1. L’article 915 abrogeait le code civil livre 1er. L’article 915 est maintenant abrogé. L’effet abrogatoire de l’article 915 cesse de produire ses effets. Le code civil livre 1er ressuscite. Le juge saisi des faits peut l’appliquer.

Conséquence : on a deux codes de la famille.

2. L’article 915 est abrogé. Il abroge le Titre II du code civil livre 1er.

Conséquence : la République Démocratique du Congo n’a plus de code de droit international privé. Le juge saisi des faits peut, soit constater le vide législatif, soit alors appliquer le code civil livre 1er Titre II à titre de principe général de droit au risque de commettre un déni de justice.

Eddy MWANZO idin’AMINYE et Jean-Michel KUMBU ki NGIMBI, tous deux Professeurs à la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa et spécialistes de droit international, dirigent des travaux et des recherches permettant l’élaboration d’un avant-projet de loi portant code de droit international privé congolais.

Réagissant aux préoccupations d’ACTUALITE.CD, le Professeur Eddy MWANZO s’exprime en ces termes : « Il faudrait retenir que les règles des conflits ne se trouvent pas, en droit congolais, uniquement dans ce titre II abrogé. On les retrouve également dans des textes épars de notre législation, voir notamment l'article 6 du code du travail, article 24 du code des obligations, les articles 119, 120, 147 et suivants de la loi-organique portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire ; en matière commerciale, il y a les Actes uniformes de l'OHADA. A ces nombreuses règles des conflits, il y a les principes généraux de droit qui viennent combler ce vide. J’informe également que les travaux de réflexion entre nous, spécialistes en la matière sont en cours et nous préparons un avant-projet de loi, en collaboration avec une Université allemande, pour la mise sur pied d'un véritable code de droit international privé congolais ».

Le droit international privé est la branche du droit qui étudie le règlement des différends de droits privés présentant au moins un caractère d'extranéité, que les parties soient de nationalités différentes, résident dans des pays différents, ou soient liées par des engagements pris dans un pays autre que leur pays de résidence.

Grâces MUWAWA, DESK JUSTICE