Journée internationale contre la mutilation génitale féminine : prise en charge et solutions pour y remédier

Photo/ Droits tiers
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Chaque année, le 6 février, est marquée par la Journée Internationale contre la Mutilation Génitale Féminine (MGF). Cette journée vise à sensibiliser le monde entier aux conséquences dévastatrices de cette pratique qui continue de toucher des millions de filles et de femmes. Pour mieux comprendre l'ampleur des enjeux, le Desk Femme d'Actualité.cd s’est entretenu avec Ursule Mbelu, spécialiste en gynécologie et en santé publique. Elle souligne que la MGF, qui consiste en l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins pour des raisons non médicales, est une violation des droits humains et entraîne des répercussions dramatiques, tant physiques que psychologiques.

Docteur, pouvez-vous nous expliquer les conséquences immédiates de la mutilation génitale féminine sur la santé des victimes ?

Ursule Mbelu: Les conséquences immédiates de la mutilation génitale féminine peuvent être extrêmement graves. Lors de la procédure, qui est souvent réalisée dans des conditions d'hygiène précaires, les filles peuvent subir des infections sévères, des hémorragies et des douleurs insupportables. Dans certains cas, ces complications peuvent être fatales. Le traumatisme physique est intense et peut entraîner des cicatrices qui affecteront la fonction génitale et la sexualité tout au long de la vie.

Quelles sont les conséquences pour la santé physique et mentale des victimes à plus long terme ?

Ursule Mbelu: À long terme, les conséquences sont multiples. D'un point de vue physique, de nombreuses femmes qui ont subi une MGF souffrent des douleurs chroniques, des difficultés à uriner et des complications lors de l'accouchement. Le risque de fistules obstétricales, de ruptures périnéales et de complications post-partum augmente de manière significative. Certaines femmes, en particulier celles qui ont subi une ablation complète, peuvent également éprouver des troubles menstruels, des douleurs lors des rapports sexuels et des infections récurrentes.

D'un point de vue psychologique, la MGF peut avoir un impact profond. De nombreuses victimes souffrent de traumatismes émotionnels durables, de dépression, de stress post-traumatique et de troubles anxieux. Le sentiment d'injustice, de honte et de détresse lié à l'intrusion de cette pratique sur leur corps et leur identité est souvent difficile à surmonter. Cela peut également affecter leurs relations familiales et sociales.

Comment se fait la prise en charge des victimes ?

Ursule Mbelu: La prise en charge des victimes de MGF nécessite une approche multidimensionnelle. Sur le plan médical, il est essentiel d'offrir un traitement des complications immédiates telles que les infections, les douleurs et les hémorragies. Ensuite, un suivi à long terme est nécessaire pour traiter les séquelles physiques comme les cicatrices, les douleurs chroniques et les complications obstétricales. Nous travaillons souvent en collaboration avec des chirurgiens spécialisés dans la reconstruction génitale pour réparer les dommages subis, bien que ces interventions ne puissent pas restaurer totalement la situation pré-MGF.
En ce qui concerne le soutien psychologique, il est tout aussi crucial. Les victimes doivent pouvoir bénéficier d'une prise en charge thérapeutique pour traiter les traumatismes émotionnels et psychologiques, comme le stress post-traumatique ou la dépression. Dans certaines régions, des programmes d'écoute et de soutien existent, mais ils restent souvent insuffisants face à l'ampleur du problème.

En tant que professionnelle de la santé, quels sont les défis auxquels vous êtes confrontée pour aider les victimes de MGF dans votre pratique quotidienne ?

Ursule Mbelu: L'un des plus grands défis est le manque de sensibilisation et de ressources dans les régions où la MGF est courante. De nombreuses femmes et filles qui ont subi cette pratique ne sont pas conscientes de ses conséquences à long terme et cherchent rarement de soins médicaux jusqu'à ce qu'elles rencontrent des complications graves. De plus, la stigmatisation et les tabous autour de ce sujet compliquent les discussions et la prise en charge. Nous devons souvent lutter contre des croyances culturelles profondément ancrées et des résistances communautaires.

Cependant, il existe des avancées. Des initiatives de sensibilisation et de formation des professionnels de santé se multiplient, et de plus en plus de pays adoptent des législations interdisant la MGF. Nous essayons aussi de créer des espaces où les victimes peuvent parler de leur vécu et accéder à un soutien médical et psychologique adapté.

Comment remédier à cette pratique et éradiquer la mutilation génitale féminine ?

Ursule Mbelu: Éradiquer la MGF passe avant tout par une prise de conscience collective. Il est essentiel d’augmenter la sensibilisation dans les communautés, en particulier dans les zones où cette pratique est encore courante. La clé réside dans l'éducation, tant au niveau des enfants que des adultes. Il faut expliquer les dangers physiques et psychologiques de cette pratique, et surtout, sensibiliser aux droits fondamentaux des filles et des femmes.
Les législations nationales jouent un rôle crucial : il est indispensable que les pays adoptent et appliquent des lois strictes contre la MGF, avec des sanctions appropriées pour ceux qui pratiquent ou encouragent cette mutilation. Toutefois, l'interdiction seule ne suffit pas ; il faut également un accompagnement pour les communautés qui pratiquent encore la MGF, afin de leur fournir des alternatives culturelles et des solutions qui respectent les traditions tout en protégeant les droits des femmes et des filles

Comment les communautés peuvent-elles contribuer à mettre fin à cette pratique ?

Ursule Mbelu: La lutte contre la MGF nécessite une approche collective. Les communautés doivent être impliquées activement dans le processus de sensibilisation et d'éducation. Les leaders religieux et communautaires jouent un rôle clé dans la remise en question des traditions et des croyances qui justifient cette pratique. Il est crucial de promouvoir une éducation inclusive qui valorise les droits des filles et des femmes tout en respectant leur culture. Le dialogue est essentiel pour faire évoluer les mentalités, et il faut soutenir les familles et les jeunes filles à prendre des décisions éclairées pour leur santé et leur bien-être.

Que diriez-vous à une victime de MGF qui pourrait lire cet article ?

Ursule Mbelu: À toutes les femmes et filles qui ont vécu cette expérience, je voudrais leur dire qu'elles ne sont pas seules. Il est important de se rappeler qu'il existe des ressources et des professionnels prêts à les aider. Il est possible de guérir, physiquement et émotionnellement, avec le bon soutien. Votre corps et votre santé sont précieux, et il existe des solutions pour traiter les complications de la MGF. N'ayez pas peur de demander de l'aide, et sachez que vous méritez de vivre une vie pleine de dignité et de respect.


Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka