Alors que le plan de désengagement signé par la RDC et les Nations-Unies pour un retrait progressif, ordonné et non précipité est déjà en plein exécution notamment par la remise de la base de Kamanyola (Sud Kivu) de la Monusco aux autorités congolaises, des voix s'élèvent pour exiger la suspension de l'exécution de ce plan. Le Prix Nobel de la Paix 2018 Denis Mukwege Mukengere a officiellement saisi les États membres du Conseil de sécurité des Nations-Unies à ce sujet.
Dans une correspondance, l'ancien candidat à la Présidence de la République estime que les conditions ne sont pas réunies pour favoriser le départ de la Monusco du territoire national. À l'en croire, ce départ dans un contexte de guerre et de surmilitarisation de l’est du pays risque de laisser un vide sécuritaire “extrêmement dangereux”.
"Un retrait précipité de la présence des casques bleus et de la Brigade d'intervention de la Monusco dans un contexte de guerre d'agression et de sur militarisation de la région risque de laisser un vide sécuritaire extrêmement dangereux pour l'existence même de la RDC et désastreux pour la protection des civils et la stabilité, mettant sérieusement en péril l'héritage de 25 ans de présence du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies en RDC. Il est encore temps pour le gouvernement de la RDC et les Nations Unies de suspendre et de revoir le plan conjoint de désengagement et son calendrier et de maintenir une marge de flexibilité en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain pour éviter un nouvel échec patent de la communauté internationale en matière de maintien de la paix et une nouvelle chronique d'une catastrophe annoncée au cœur de l'Afrique qui aggraverait encore davantage la menace sur la paix et la sécurité régionales et internationales", a écrit le Docteur Denis Mukwege aux États membres du Conseil de sécurité de l'ONU.
Il se dit pleinement conscient que la responsabilité première en matière de protection des civils et des droits humains incombe aux autorités nationales et que la vocation d'une Mission de maintien de la paix est essentiellement temporaire. Il révèle que l'actuel régime n'a pas encore entamé une réforme profonde du secteur de la sécurité, incluant notamment l'assainissement des forces de défense et de sécurité et des services de renseignements.
"Alors que les causes profondes de la violence persistent - déficit de légitimité des animateurs des institutions, culture de l'impunité, exploitation illicite et commerce illégal des minerais, que l'insécurité est grandissante, que les recherches de solutions politiques et diplomatiques demeurent dans l'impasse, que l'autorité de l'État congolais n'est pas encore déployée dans de larges zones du territoire national et que le régime de Kinshasa n'a pas encore entamé une réforme profonde du secteur de la sécurité, incluant notamment l'assainissement des forces de défense et de sécurité et des services de renseignements, nous exhortons le Conseil de Sécurité à rester saisi de la situation en RDC, qui représente encore et toujours une menace pour la paix et la sécurité internationales", a plaidé Mukwege.
Face à cette situation, il appelle à la reconfiguration du mandat et de la présence de la Monusco car dit-il, "il est impératif d'établir les liens entre la prévention des conflits, la justice transitionnelle, la consolidation de l'état de droit et l'instauration de la paix".
"La RDC est encore loin du stade où la menace posée par les groupes armés nationaux et étrangers soit ramenée à un niveau qui puisse être géré par les forces de sécurité et de défense congolaises. Les casques bleus et la Brigade d'intervention ne peuvent partir tant que l'armée et la police ne seront pas en mesure d'assurer la souveraineté de l'État et la protection des civils. Ainsi, le chronogramme retenu pour le désengagement complet de la Monusco pour la province du Sud Kivu, à savoir la fin du mois d'avril 2024, doit être urgemment réévalué et reporté", a souligné Denis Mukwege.
Au mois de décembre de l'année dernière, le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé de proroger, pour un an, jusqu’au 20 décembre 2024, le mandat de la Monusco, tout en décidant d’initier son « retrait progressif, responsable et durable » du pays. Le Conseil a décidé notamment que la MONUSCO retirera sa force de la province du Sud-Kivu d’ici à la fin avril 2024 et limitera son mandat aux provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri de mai 2024 jusqu’à la fin de la période couverte par le mandat actuel.
Clément MUAMBA