Le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege a réagi vendredi avec prudence et réserve aux récentes avancées diplomatiques dans le conflit de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), exprimant des inquiétudes sur le fond et la forme des engagements pris dans le cadre des pourparlers de paix facilités par le Qatar et la déclaration de principes signée entre la RDC et le Rwanda à Washington.
« Alors que la population congolaise dans l'Est […] continue de traverser une crise sans précédent […] nous avons suivi avec intérêt la publication […] de la déclaration conjointe des représentants de la RDC et du M23/AFC et la signature de l'accord de principe entre le gouvernement congolais et rwandais », a-t-il déclaré, tout en relevant que si cette dynamique est perçue comme un premier pas vers la paix, elle soulève de nombreux questionnements.
Mukwege a notamment rappelé que la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 21 février, exige déjà un cessez-le-feu immédiat, le retrait inconditionnel des forces rwandaises du territoire congolais et la fin de leur soutien au M23, estimant qu'aucune autre condition ne devrait être nécessaire pour mettre fin à ce qu’il qualifie d’« agression de l’armée rwandaise d’occupation ».
Le gynécologue congolais a aussi mis en garde contre l’illusion de nouvelles trêves, rappelant qu’une demi-douzaine d’accords de cessez-le-feu ont été signés dans les cadres de Luanda et Nairobi, « pour être ensuite systématiquement rompus », ce qui démontre selon lui la mauvaise foi des forces d’agression et leur stratégie du « talk & fight ».
Il s’est également inquiété du manque de transparence des pourparlers en cours, notamment ceux facilités par le Qatar et les États-Unis, estimant que la clarté des processus est essentielle pour « rétablir la confiance » et construire une feuille de route crédible aux yeux des populations.
S’il dit soutenir les efforts de désescalade, Mukwege prévient toutefois que le conflit est largement internationalisé, qu’il dure depuis des décennies, a provoqué la mort et le déplacement de millions de personnes, ainsi que la commission de crimes internationaux graves. Il conclut qu’une solution à minima ne saurait suffire face à « l'une des catastrophes humanitaires les plus dramatiques du monde ».