Affaire député national Josué Mufula à Goma: immunités et privilèges de juridiction ne sont pas d'application dans un état de siège

Le député Josué Mufula/Ph droits tiers

Par Me Mbokolo Elima Edmond, Avocat au Barreau de l'Equateur/Mbandaka

Comme on le sait tous, le député national Josué Mufula a été intercepté, puis arrêté ce mardi 8 février 2022 à l'aéroport international de Goma où il devrait se rendre à Kinshasa, illico presto, a été par la suite transféré à la Cour Militaire du Nord-Kivu pour y être jugé dans une procédure de flagrance.

Les uns et les autres se posent la question de savoir si une personne bénéficiaire des immunités ou privilèges de poursuites, comme le cas de Josué Mufula, peut être jugée devant n'importe quelle juridiction, alors que la Constitution lui assigne expressis verbis un juge naturel.

La réponse à ce questionnement nous renvoie d'abord aux articles 85, 144 et 145 de la Constitution qui prévoient la proclamation de l'état de siège combiné avec l'Ordonnance présidentielle n°21/015 du 03 mai 2021 portant proclamation de l'état de siège sur une partie du territoire de la RDC, notamment les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu.

Sans pour autant se laisser emporter par le débat lié à l'explication de l'état de siège, il convient de noter sommairement que c'est un régime exceptionnel qui transfère le pouvoir jadis détenu par les civils aux militaires et une restriction correcte de certaines libertés fondamentales et droits humains.

Aux termes de l'article 156 alinéa 2 de la Constitution, en temps de guerre ou lorsque l'état de siège ou d'urgence est proclamé, le Président de la République, par une décision motivée délibérée en Conseil des ministres, peut suspendre sur tout ou partie de la République et pour la durée et les infractions qu'il fixe, l'action répressive des Cours et Tribunaux de droit commun au profit de celle des juridictions militaires.

Pour parler à présent de l'affaire Josué Mufula, l'article 3 de l'Ordonnance sous examen prévoit que : l'action des juridictions civiles sera substituée par celle des juridictions militaires.

En exubérance, l'article 4 alinéa 2 de la même ordonnance précise que : pendant la période de l'état de siège, les immunités et autres privilèges de poursuites ne sont pas d'application.

L'Ordonnance précitée étant déclarée conforme à la Constitution par la Cour Constitutionnelle, les dispositions de l'article 19 de ladite Constitution qui évoquent que nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne, sont inopérantes. C'est ainsi que, les immunités prévues à l'article 107 de la Constitution et les privilèges de juridiction déterminés à l'article 153 alinéa 3 point 1 ne peuvent être appliqués dans le cas sous revue.

A vrai dire, à l'exception du Président de la République et du Premier Ministre dont la décision de poursuites ne peut se faire que conformément à l'article 166 alinéa 1 de la Constitution, toutes les autres personnes qui seront arrêtées dans les provinces sous état de siège, sont jugées sans désemparer et devant la juridiction fixée par l'Auditeur Militaire Supérieur ou Auditeur de Garnison.

Ici, on ne peut pas évoquer la question d'immunités et des privilèges de juridiction car l'article 4 de l'Ordonnance proclamant l'état de siège telle que prorogée à ce jour, qui du reste a été déclarée conforme à la Constitution, est clair, limpide et concis. Il ne fait pas appel à une discussion.

C'est avec raison que la Cour Militaire du Nord-Kivu [pourrait] rejeter le moyen exceptionnel soulevé par la défense au sujet du juge naturel, qui n'est ni la Cour de cassation, moins encore la Haute Cour Militaire.

Néanmoins, l'article 156 alinéa 2 in fine, prévoit que le droit d'appel ne peut être suspendu, quel que soit l'état de siège ou d'urgence.

Bref, dans l'hypothèse à laquelle Josué Mufula est déclaré coupable, il aura le droit de relever appel devant la Haute Cour Militaire à Kinshasa.

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