Cet article fait partie de la série d’articles qui accompagnent la carte interactive du secteur cupro-cobaltifère produite par le China Global South Project.
Note introductive :
Dans cet article, l’auteur mène une analyse critique sur l’exploitation du cuivre et cobalt en RDC. Il y aborde les différents aspects de cette exploitation qui intègre des acteurs à différents niveaux et entrainent des interactions complexes. Aussiinsi il aborde-t-il la question des risques liés à l’exploitation de ces minerais en RDC, les activités de l’artisanat minier, la complexe cohabitation entre artisanaux et entreprises industrielles, de même ainsi que les conséquences de cette cohabitation. Il fait aborde aussi allusion auxles risques sécuritaires consécutifs à qui sont liés non seulement à l’ingérence des éléments armés dans les mines de cuivre et cobalt et, mais aussi de l’insécurité causée par la corruption et l’opacité qui gangrènent ce secteur en R.D. Congo.
Pour vous en savoir plus sur la cartographie du cuivre et cobalt en RDC, vous pouvez visiter notre outil sur le https://projetafriquechine.com/cobalt/
Les points de vue et les opinions exprimés n'engagent toutefois que l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux du China Global South Project. Le China Global South Project et ses affiliés ne peuvent en être tenues pour responsables.
Le China Global South Project
Qui est l’auteur :
Josaphat Masengo Ilunga est consultant juridique expert en droit des ressources naturelles et fiscalité des entreprises, dans plusieurs cabinets. Ilet est également mandataires en mines et carrières. Il est, en outretre autres, rédacteur et contributeur à l’élaboration de plusieurs actes relatifs auxà de projets miniers, statuts, contrats, due diligences
Outre leur usage traditionnel dans le domaine des métaux, Lle cobalt et le cuivre constituent, à l’heure actuelle, des métaux critiques et stratégiquesuciaux pour le marché en pleine croissance essor des batteries rechargeables, notamment celles des véhicules électriques et des appareils portables ou fixes, Outre leur usage traditionnel dans le domaine des métaux. Responsable de 60 % de la production mondiale de cobalt en moyenne, et dans le top cinq des pays producteurs mondiauxl du cuivre, la République Démocratique du Congo joue un rôle central dans la chaîne d’approvisionnement de ces minerais.
Cet article est un aperçu critique de l’exploitation du cuivre et du cobalt provenant de la République Démocratique du Congo.
Il est à noter que, malgré les efforts fournis par les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement, iIl reste encore difficile pour les entreprises s’approvisionnant en cuivre et en cobalt provenant de la RDC de remplir leur devoir et d’atténuer les risques liés à l’exploitation de ces minerais malgré les efforts fournis par ces acteurs dans la chaîne d’approvisionnement. Car, de façon globale, Lles mesures prises manquent de cohérence et d’envergure, et ne permettent pas de couvrir correctement tous les risques y compris la corruption.
Les risques liés à l’exploitation du cuivre/cobalt
Dans la pratique, il peut être difficile de déterminer dans quelle mesure l’examen des demandes d’attribution de droits miniers repose sur des critères objectifs. Le fait que de nombreuses transactions liées aux droits miniers, dont celles impliquant des joint-ventures, des baux ou d’autres types de contrats, passent par une seule et même entreprise publique rend potentiellement élevé le risque d’exposition aux pratiques de corruption. impose de se montrer attentif aux risques de corruption.
Les risques liés à la réinstallation
Lorsque des populations sont déplacées du fait de la transformation d’une zone résidentielle en Zone d’Exploitation Artisanale ou de l’extension des activités d’une Exploitation à Grande Echelle (EGE), les ONG et les associations de défense et de plaidoyer des habitants dénoncent souvent d’importantes irrégularités : consentement obtenu sans respecter le devoir d’information, rachat des habitations à des prix abusifs, processus bâclés. D’autres accusations évoquent des accords non respectés, avec des habitants que l’on pousse à bout jusqu’à leur faire accepter des conditions de rachat trèsmoins favorablesdéfavorables.
Les risques opérationnels de l’artisanat minier
Les mineurs du secteur du cobalt et du cuivre travaillent le plus souvent par équipe de cinq à huit personnes pour chaque mine, et extraient ainsi entre une et trois tonnes de minerais par jour. Le préfinancement de leurs activités (achat d’équipement et de vivres, transport des minerais) peut être assuré par l’un des mineurs, alors appelé « sponsor », ou par un négociant qui, en échange, peut s’arroger jusqu’à 60 % du prix auquel les minerais sont écoulés au dépôt.
Selon l’article 123 du Code minier, seuls des ressortissants congolais peuvent posséder des dépôts, mais dans les faits, ce sont le plus souvent des partenaires étrangers (pour la plupart chinois, mais aussi libanais et indiens) qui financent les activités des dépôts. Les coopératives ont besoin des dépôts pour vendre les minerais qu’elles produisent ; de leur côté, les dépôts ont besoin de l’accord des coopératives pour s’installer sur les sites miniers. Pour autant, les relations entre les dépôts et les coopératives sont souvent asymétriques et complexes, l’influence de chaque acteur dépendant largement de ses affiliations politiques et du soutien que lui apportent les élites locales.
Les risques liés à la cohabitation entre industriel et artisans
Les difficultés que rencontrent les Artisans Miniers (AMartisan minier) pour faire reconnaître leurs activités légalement, et pour exercer dans des conditions et des sites viables, ainsi que le flou juridique entourant leurs interactions avec les EGE, poussent les opérateurs en amont de la chaîne d’approvisionnement à fournir de fausses déclarations d’origine lorsqu’on leur réclame les documents nécessaires à la constitution de la chaîne de responsabilité des minerais issus de l’AM commercialisés via des « marchés ouverts » (dépôts).
Le Code minier révisé de 2018 accorde une reconnaissance officielle à l’AM, avec notamment la création de Zones d’Exploitation Artisanale (ZEA). Cependant le fait que Gécamines ait conservé la plupart de ses concessions après la réforme de 2002, coupléajouté à l’absence de dispositions ou d’incitations dans le Code relatives la cohabitation entre l’AM et les EGE, entraîne un net décalage entre l’intention affichée dans les textes et la pratique sur le terrain.
La plupart des gisements connus se trouvent sur des concessions à grande échelle appartenant ou ayant appartenu à Gécamines, tandis que les gisements situés dans les ZEA s’avèrent souvent plus difficiles à atteindre, particulièrement pour les AM. Concrètement, cela signifie que les interactions entre EGE et AM ne sont pas sans susciter des contestations, tant elles sont marquées par l’ambiguïté et par un savant mélange d’improvisations et de contournements juridiques.
La révision du Code minier n’a pas touché certaines contraintes sur la capacité des mineurs à grande échelle à travailler avec les mineurs artisanaux, Le manque de clarté accroît les risques à la jonction de ces deux grands acteurs de la production du cuivre et du cobalt, et entrave le développement d’un artisanat minier à la fois légal et viable.
Le risque d’ingérence
Il faut signaler en revanche de nombreux cas de corruption parmi des éléments indisciplinés des forces de sécurité publiques présentes sur les sites miniers. La Garde Républicaine (GR) est soupçonnée d’être impliquée depuis de nombreuses années dans la sécurisation et le contrôle de sites miniers et de dépôts gérés par des personnes politiquement exposées (PEP).
Le risque de corruption
On signale également de nombreux cas de corruption visant l’acquisition d’actifs dans le secteur des EGE. Plusieurs mines de la RDC auraient ainsi été vendues pour des prix largement inférieurs à leur valeur sur le marché, privant l’État congolais de ressources budgétaires précieuses. Les entreprises impliquées dans ces transactions frauduleuses s’exposent à des poursuites criminelles et au risque d’être associées contractuellement à des individus condamnés par la loi.
Le fait que la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines), entreprise publique, ait conservé la propriété d’un grand nombre de concessions minières au mépris des dispositions du Code minier de la RDC, et l’opacité entourant ses transactions et ses joint-ventures, constituent un obstacle supplémentaire à la lutte contre la corruption dans le secteur.
Les risques de corruption sont également importants dans le secteur de l’AM, où il arrive fréquemment que les responsables de coopératives et les propriétaires de marchés ouverts soient des PEP, et que des représentants des autorités de régulation ou des responsables de coopératives collectent des paiements informels.
Si les artisans miniers sont plus exposés aux risques de violation des droits humains et d’extorsion par des forces de sécurité, les exploitations à grande échelle sont quant à elle plus susceptibles d’être impliquées dans des affaires de corruption, de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale, qui ont de vastes effets sur la mobilisation des ressources d’un pays.
L’incapacité des autorités congolaises à protéger les droits humains, ainsi que la volatilité des marchés internationaux et les faiblesses structurelles de l’économie de la RDC, peuvent également compliquer la tâche des entreprises qui souhaitents traiter leurs risques liés à l’exploitation du cuivre et du cobalt.
Conclusion
Pour une exploitation du cuivre et du cobalt responsable, les entreprises extractives et le Ggouvernement Ccongolais doivent adopter une approche rigoureuse, exhaustive et nuancée., Selon le Guide OCDE sur le devoir de diligence et selon les Directives à l’intention des entreprises chinoises, le devoir de diligence doit couvrir tous les risques, pas seulement ceux qui nourrissent les conflits. Les initiatives entreprises dans ce secteur doivent désormais dépasser le stade des bonnes intentions pouret changer concrètement les pratiques sur terrain.
Sources :
- Initiative Bonne Gouvernance et Droits Humains, 2019 ;
- The Carter Center report, 2017;
- OCDE (2016), Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque : Troisième édition, Éditions OCDE, Paris.