Reynders mise sur les Assemblées générales des Nations unies prévues ce mois-ci pour relancer le dialogue entre Kinshasa et Kigali - Interview »

Didier Reynders
Didier Reynders

Dans une interview accordée à ACTUALITE.CD, Didier Reynders, évoque l'urgence d'une analyse rigoureuse de la situation à Goma où plus de 43 personnes ont été tuées. Soulignant la nécessité d'enquêtes appropriées, il attend le retour de la mission gouvernementale actuellement sur place pour des éclaircissements. Concernant le processus de paix dans la région des Grands Lacs, Reynders mise sur la voie diplomatique, évoquant l'opportunité des Assemblées générales des Nations unies comme plateforme potentielle de relance du dialogue. En matière de justice, Reynders exprime son intérêt à renforcer la lutte contre l'impunité, évoquant l'organisation d'une conférence sur la justice internationale à Kinshasa après les élections. Il envisage des juridictions spéciales, peut-être une Cour régionale africaine, et attend de la conférence des propositions concrètes. Sur le plan politique, face aux critiques de l'opposition concernant une politique de deux poids deux mesures de l'UE, Reynders assure que l'UE reste attentive à toute la situation en RDC, évoquant notamment des discussions axées sur le processus électoral et la sécurité.

Entretien

ACTUALITE.CD

Question d'actualité, vous arrivez à une période assez compliquée avec cette annonce de plus de 43 personnes qui ont été tuées à Goma. Les forces de sécurité congolaises sont accusées. Que dites-vous sur la justice ?

Didier Reynders

Je crois qu'une analyse exacte de la situation est nécessaire, et que des enquêtes doivent être menées. Si des fautes ont effectivement été commises, elles doivent être sanctionnées. Je sais qu'une mission de plusieurs membres du gouvernement est actuellement sur place. J'attends donc le retour de cette mission pour avoir des informations sur le sujet et voir les décisions qui en découleront. Je suis convaincu qu'il y a une volonté de clarifier la manière dont les événements se sont déroulés, et les responsabilités qui peuvent être engagées. Je ne peux pas me prononcer sans avoir reçu des informations plus précises de cette mission sur la situation à Goma. J'ai aussi entendu des organisations de la société civile sur les décisions qui seront prises. Il est important de voir le résultat de l'analyse et quelles décisions seront prises si des sanctions doivent être appliquées.

ACTUALITE.CD

Concernant le processus de paix dans la région des Grands Lacs, on constate des difficultés à Nairobi et à Luanda. À quatre mois des élections, quelle serait, selon l'Union européenne, la meilleure voie de sortie ?

Didier Reynders

D'abord, il y a la voie diplomatique. Je pense que l'Union européenne, à travers la Haute Représentante Josep Borell, est prête à soutenir tout dialogue qui pourrait s'organiser. Les assemblées générales des Nations unies sont souvent un moment propice à de telles rencontres. J'espère que, lors de ces assemblées, un dialogue pourra être renoué. Nous avons déjà fait face à des événements similaires dans le passé, comme avec le M23. Cela nécessite un dialogue, de la patience et peut-être une intervention sur le terrain. Mon intérêt est d'assurer qu'en cas de crimes internationaux ou d'atrocités commises, la lutte contre l'impunité soit réelle.

ACTUALITE.CD

Concrètement, cela signifie quoi ?

Didier Reynders

Je suis heureux de voir qu'au Congo des procédures ont été menées pour poursuivre et condamner les auteurs de crimes internationaux devant les juridictions nationales. Souhaitons-nous renforcer cette démarche en collaboration avec la Cour pénale internationale. J’ai annoncé aux autorités congolaises notre intention d'organiser une conférence sur la justice internationale à Kinshasa après les élections au premier semestre de l'année prochaine. Nous verrons si l'Union africaine, intéressée par cette démarche, souhaite également participer. Nous devons assurer aux victimes que nous continuerons à lutter contre l'impunité. Cela pourrait passer par la création de tribunaux spéciaux ou hybrides, en plus des tribunaux nationaux, sans nécessairement aller à La Haye. Peut-être une Cour régionale africaine serait-elle envisageable. Il est essentiel de montrer que la communauté internationale est attentive à toutes les situations. Je suis heureux que la République démocratique du Congo nous soutienne au niveau international, notamment face à l'agression russe en Ukraine. Nous devons aussi rechercher les auteurs de crimes commis en RDC.

ACTUALITE.CD

Qu'attendez-vous de cette conférence ? L'Union européenne serait-elle prête à mettre en place des moyens pour institutionnaliser cet outil en Afrique centrale ?

Didier Reynders

Comme le procureur de la Cour pénale, je souhaite connaître les attentes de la région. C'est à la région de formuler la demande en premier lieu. J'ai déjà participé à des débats sur la création d'une juridiction régionale. Le procureur de la Cour pénale est favorable à cette idée. La conférence n'aura pas de préjugés. Nous verrons ce que chacun souhaite. Notre premier souci est pour les victimes. Nous voulons que les victimes sentent qu'elles sont prises en compte. Ensuite, il y a le débat sur la réparation et la réconciliation. Il est essentiel de lutter contre l'impunité. Nous serons ouverts à toute proposition.

ACTUALITE.CD

En matière de politique, vous avez rencontré des opposants et vous en rencontrerez d'autres. L'opposition dénonce une politique de deux poids deux mesures de la part de l'Union européenne. Comment réagissez-vous ?

Didier Reynders

L'Union européenne a clairement condamné certains actes, comme l'assassinat de Chérubin Okende. J'ai demandé que des enquêtes soient menées pour connaître les auteurs. Concernant les événements à Goma, des ministres sont sur place pour examiner la situation. Pour le reste, les responsables de l'opposition que j'ai rencontrés sont heureux de l'intérêt de l'UE pour la RDC. Nos discussions portent sur le processus électoral et la sécurité, pas uniquement sur les problèmes locaux. L'Union européenne est attentive à toute la situation.

Suivez l’intégralité d’entretien dans le lien ci-dessous.