L’Institut de recherche en politique, gouvernance et violence, Ebuteli, propose la rotation au sommet de la commission électorale nationale indépendante (Ceni) entre les confessions religieuses en République démocratique du Congo. L’objectif est de limiter les interférences politiques pendant l’organisation des élections. Il a fait cette recommandation dans un rapport sur la corruption rendu public ce mardi 22 avril 2025.
D’après ce rapport lu par Actualite.cd, cette rotation va se faire en suivant l’ordre ci-après : Église catholique, Église protestante, Église kimbanguiste, Islam et la communauté des Églises de réveil. L’objectif est d’inclure toutes les confessions religieuses.
S’inspirant des pratiques de corruption aux échéances électorales en 2023 ayant fortement touché les dirigeants et agents de la Ceni, Ebuteli recommande également une restructuration au sein du bureau de la centrale électorale qui doit, selon lui, être constitués des experts électoraux, recrutés par concours organisé par un cabinet indépendant, et nommés par le président de la République.
En 2023, des cas graves de corruption ont touché les membres de la Ceni, révèle Ebuteli, qui ont affecté les résultats des élections. Cette restructuration doit se faire en suivant une répartition de représentations équitables des partis politiques du pouvoir et de l’opposition, qui siégeront à la Ceni sans voix délibérative, comme le recommande la loi électorale.
Dans son ouvrage « Gouvernance électorale en RDC. Des normes du jeu aux jeux sur les normes », édition academia, à Louvain-la-Neuve, le professeur Michel Bisa Kibul, Secrétaire scientifique de l'Observatoire de la Gouvernance, évoque également cette question. Il estime qu'une telle réforme à la tête de l’appareil électoral nécessite d’une part, la révision de l’article 10 de la loi organique, régissant l’organisation et le fonctionnement de la Ceni, d’autre part, une telle mesure ne serait ni simple ni suffisante.
« La composition actuelle de la CENI est encadrée par l’article 10 de la loi organique qui en régit l’organisation et le fonctionnement. Elle prévoit quinze membres : six désignés par la Majorité, quatre par l’Opposition et cinq par la société civile, dont deux par les confessions religieuses. Proposer une rotation à la tête de la CENI entre les confessions religieuses nécessiterait donc une révision de cette disposition légale. Or, une telle réforme, bien qu’intéressante sur le principe, ne serait ni simple ni suffisante. Les faits parlent d’eux-mêmes : depuis 2006, les trois présidents de la CENI issus des confessions religieuses, l’abbé Apollinaire Malumalu, Corneille Nangaa et Denis Kadima ont tous été contestés ».
Selon ce chercheur congolais, « ces désignations ont souvent été marquées par des tensions internes au sein de la plateforme des confessions religieuses, elles-mêmes fragilisées par des pressions politiques, l’affaire Ronsard Malonda, ayant coûté sa place à Sony Kafuta, en est une illustration. Son successeur, Dodo Kamba, a également été impliqué dans un processus controversé autour de la désignation de Denis Kadima. Sa récente mise à l’écart semble déjà s'inscrire dans les manœuvres préparatoires pour la prochaine présidence de la CENI ».
Pour lui, « le cœur du problème reste donc l’ingérence politique persistante dans la désignation et le fonctionnement de la CENI. Toute réforme, y compris l’idée d’une rotation, ne saurait produire des effets positifs durables si elle ne s’inscrit pas dans une volonté réelle de dépolitisation de l’institution ».
Il propose tout de même une autre piste à explorer, qui serait celle de « confier la gestion de la CENI exclusivement à des experts électoraux indépendants, issus des rangs techniques de l’administration électorale.
Jean-Baptiste Leni