Les membres du Sultani Makutano se sont concertés afin d’appuyer les efforts de l’Etat congolais pour conjurer les effets attendus de la pandémie de Coronavirus au niveau national.
A. Objectif global
Les mesures d’urgence préconisées dans cette note de synthèse visent à maintenir l’activité économique à travers, d’une part, un soutien aux conditions d’offre des biens et services par les entreprises et, d’autre part, le maintien de la demande des biens et services, nécessaire à la production.
B. Objectifs spécifiques
Lesdites mesures concourent principalement :
- (i) à empêcher les entreprises de tomber en faillite pendant l'inévitable ralentissement que provoquera la pandémie,
- (ii) à endiguer une montée des prix des denrées de base,
- (iii) à appuyer les secteurs de l’économie placés en première ligne (centres de soins et leurs fournisseurs notamment) et
- (iv) à se préparer au soutien du secteur bancaire national dont la mise à contribution dans la stratégie de lutte apparaît cruciale.
C. Méthodologie et contingences
Concernant les mesures directes de soutien aux entreprises et à la demande, nous avons répertorié une série de mesures économiques prises dans certains pays, étudié leur pertinence et vérifié la possibilité de leur réplication ou adaptation à l’écosystème national congolais. Pour l’ensemble de ces mesures certaines ont été conçues à partir de la connaissance de la réalité socioéconomique congolaise avec ou sans référence à la praxis internationale.
La réflexion a tenu compte des contingences qui ont donc guidé l’exercice d’adaptation, le rejet ou la conception des mesures. Lesdites contingences sont :
- Les finances publiques sont en déséquilibre, ce qui limite le recours à la dépense publique ;
- La RDC ne dispose pas d’un fonds souverain dévolu à parer à ce type de conjecture ; - Les réserves de change sont faibles ;
- L’économie congolaise est fortement dollarisée ;
- Tout financement monétaire est susceptible d’accentuer l’inflation et la dépréciation de la monnaie, sources potentielles de perturbation sociale ;
- La Banque centrale du Congo n’a pas la panoplie d’outils dont disposent les autres banques centrales alors que l’influence du taux d’intérêt directeur sur le coût du crédit est limitée ;
- Il n’existe pas en RDC une sécurité sociale pouvant amortir le choc des pertes d’emplois et de cessation d’activités pour les indépendants ;
- L’urgence concerne d’abord la crise conjoncturelle, même si les aspects structurels rendant la lutte difficile peuvent être pris en compte. On tient compte, par exemple, des modifications à la loi fiscale qui ne peuvent être envisagées à ce stade ;
D. Batterie de mesures proposées
1. MESURES FAVORABLES AUX ENTREPRISES
Etalement et/ou un report partiel du paiement des impôts et TVA (celle déjà collectée mais non encore reversée au Trésor) pour soulager la trésorerie des entreprises ;
- Au moins pour certaines entreprises à activité indispensable, le gouvernement peut s'engager d’emblée à offrir sa garantie pour des prêts existants, le risque d’endettement public étant faible du fait de l’existence de garantie ;
- Accorder aux PME de postposer le paiement des charges patronales ; - Accorder des délais supplémentaires de livraison des biens et services pour les entreprises concernées par des retards aux causes exogènes issues à cette crise
2. MESURES RELATIVES A LA CONTRIBUTION DES BANQUES COMMERCIALES A LA LUTTE ET AU SOUTIEN DU SECTEUR BANCAIRE PAR LA BCC
Remarques préliminaires : Nous sommes conscients que les banques commerciales ne pourront pas soutenir les entreprises pendant une crise sur leur propre bilan ou capital. Leur contribution reste donc mesurée en termes de risque. En outre, une intervention de la BCC pour soulager les banques est souhaitable.
Les mesures sont les suivantes :
- Surseoir à l’application de pénalités pour retards de paiement pendant un moment à définir avec les banques pour des cas spécifiques dont il est prouvé qu’ils sont engendrés par la crise actuelle. Ces revenus sont de toutes les façons des revenus non anticipés par les banques ;
- Proposer des rééchelonnements de prêts pour des entreprises dont l’activité est capitale dans l’économie ;
Pour soutenir les banques commerciales:
- La Banque Centrale peut s’engager à relâcher la contrainte des banques en matière de réserves obligatoires, de ratios de liquidité et de divers délais si le besoin se fait sentir sans, bien sûr, mettre en péril le système bancaire ;
- Le gouvernement peut accorder aux banques commerciales des reports de paiements d’impôts et de reversement de TVA dues. Une réduction des charges fiscales peut même être envisagée en fonction de l’implication des banques dans la stratégie de lutte contre la récession ;
- Dans cette logique, une table-ronde entre acteurs pertinents (FEC, Ministère des Finances, de l’Economie, des PME, BCC et Banques commerciales) devrait être organisée dans les plus brefs délais afin de parvenir à un consensus.
3. AUTRES MESURES DE FINANCEMENT ET D’ENCADREMENT STRATEGIQUE
La mise à contribution de la loterie nationale ;
- Frapper d’une accise supplémentaire les produits non essentiels comme le tabac, l’alcool et bien d’autres à designer ;
- Que les recettes à venir et déjà encaissées du Go-pass géré par la RVA soient dans la mesure du possible dédiées aux actions liées à la lutte contre le COVID-19 et au parachèvement de la pandémie Ebola ;
- Une coordination stricte des aides d’Organisation Non Gouvernementales pour éviter d’en faire un fonds de commerce ;
- Le blocage des prix de biens de nécessité absolue pendant un mois sur les marchés et dans les pharmacies ;
- Privilégier les achats relatifs à la lutte contre la pandémie aux PME locales sans pour autant accroitre la dette intérieure ;
- La mise à contribution des moyens logistiques de l’Etat (camions, véhicules de transport) afin d’éviter une rupture d’approvisionnement des principales agglomérations du pays pour éviter la flambée des prix des produits de base ;
- La suspension des paiements des sauts de mouton, en affectant ces dépenses à l’achat urgent de systèmes de ventilation médicale en Chine, et ce, d’Etat à Etat.
- Un étalement des charges incompressibles (taxes) et si possible un ballon d'oxygène sous forme de subside pour les secteurs qui s'impliquent directement dans la riposte (secteur médical, logistique) ;
- Sollicitation par le gouvernement de facilités d'urgence dans le cadre de la lutte contre la pandémie COVID-19 auprès des institutions de Bretton Woods ;