RDC: une opposition divisée affronte un président sortant fragilisé par son bilan sécuritaire 

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Martin Fayulu en campagne

C’était trop beau pour être vrai. L’opposition congolaise a été rattrapée par ses vieux démons. La tension était palpable à Lubumbashi en ce jour du 14 avril 2023. En dépit de leurs divergences, Martin Fayulu et Moïse Katumbi se retrouvent dans la capitale du Haut-Katanga. L’un s’est battu pour la « vérité des urnes » et a refusé de se rapprocher du pouvoir, et l’autre avait prêté des béquilles à Félix Tshisekedi et a formé avec lui l’Union sacrée, mais le mariage était de courte durée et il est revenu dans l’opposition. À côté d'eux, Delly Sesanga tente de se tricoter une veste présidentielle au-delà de son statut de député, et Augustin Matata, l’ancien Premier ministre, a maille à partir avec la justice. Denis Mukwege n’est pas de la partie. 

La photo de famille est belle. « Nous devons oublier le passé. Nous devons voir l’avenir, la souffrance de la population », explique Moïse Katumbi. Amère, Martin Fayulu serre les dents : « Les Congolais souffrent. Dans l’est et même ici, il n’y a pas de vie. Nous devons nous oublier. Nous devons tuer le moi qui est en nous et renaître. Si nous renaissons, nous allons bâtir un Congo réellement libre, fort et prospère ».

Dans leur déclaration, ils disent qu’ils « unissent leurs idées et leurs forces pour mener des actions communes en vue d’obtenir l’organisation des élections dans le délai constitutionnel ». Ils appellent la population « à résister et à exercer une vigilance citoyenne ». 

La première activité est une « grande marche » le 20 mai à Kinshasa. La manifestation est réprimée dans le sang : Trois policiers ont été arrêtés suite à la brutalité exercée sur les manifestants et sur un mineur. La police, de son côté, dit avoir dénombré au moins 27 agents de l’ordre blessés, dont 3 se trouvent dans une situation grave et un dans un état comateux. La communauté internationale monte au créneau, et les ambassades occidentales exigent des enquêtes. Les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse, la République tchèque et la délégation de l’Union européenne ont d’ailleurs fait une déclaration commune. 

Certains croient au lancement d’une dynamique de l’opposition, des opposants qui seraient unis et maintiendraient la pression jusqu’aux élections. Ils tentent, sans grand succès. Le sit-in organisé le 25 mai devant le siège de la CENI a été empêché par les forces de l’ordre. En marge de cette manifestation, Salomon Kalonda, bras de Moïse Katumbi, est arrêté et écroué. Il s’en suivra un meeting le 25 juin à la Place Sainte-Thérèse à Kinshasa. 

Petit à petit, le ciment qui lie les opposants se liquéfie. Martin Fayulu et Moïse Katumbi s’éloignent davantage. Matata Ponyo se rapproche de Katumbi et Sesanga tente de se frayer un chemin. 

La flamme tente de se rallumer à environ une semaine du lancement de la campagne électorale : les délégués des principaux acteurs opposants, Martin Fayulu, Moise Katumbi, Matata Ponyo, Denis Mukwege, et Delly Sesanga, se réunissent à Pretoria, en Afrique du Sud, pour des pourparlers visant à explorer l'opportunité d'une candidature unique. L’aventure tourne court. Fayulu et Mukwege sont dépités, et Katumbi réussit à obtenir le ralliement de Sesanga et de Matata. De leur côté, Le Prix Nobel de la paix et le candidat malheureux de 2018 tentent de mener un autre front qui aboutit à une plainte contre Denis Kadima, le président de la Ceni, une initiative qui ne prospérera pas. Finalement, l’opposition ira aux élections divisée.