Une dizaine de hauts cadres du Parti Politique pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), dont Aubin Minaku, Emmanuel Ramazani Shadary et Ferdinand Kambere, qui sont respectivement vice-président, secrétaire permanent et secrétaire permanent adjoint, sont attendus ce lundi 10 mars, à l'auditorat militaire de Kinshasa/Gombe pour «éclairer la justice». Ils sont tous interdits de quitter le pays, d'après un communiqué du ministère de la justice.
Le Front commun pour le Congo(FCC), plateforme politique de Joseph Kabila, l'ex chef de l'État, s'en est pris sévèrement à cette initiative de la justice militaire, qu'il qualifie d'une «énième tentative du pouvoir tyrannique de Kinshasa d'intimider et de museler les membres du PPRD», «qui a choisi, non pas la soumission, mais la résistance à la dictature». Le FCC note que cette série d'invitations arrive dans un contexte où Joseph Kabila fait objet des accusations infondées.
«Ces invitations interviennent dans un contexte marqué par la multiplication, depuis quelque temps, des accusations infondées et des allégations mensongères de soutien à la déstabilisation du pays, dont est victime son Autorité Morale, Son Excellence Joseph Kabila Kabange, Président de la République Honoraire. Cette campagne ignoble a été lancée par le Chef de l'Etat lui-même et a trouvé, depuis, un amplificateur zélé en la personne de M. Jean Pierre Bemba Gombo, visiblement plus doué pour le rôle de chantre de la haine et de propagandiste du "Roi Soleil" et de son régime, que pour les nobles responsabilités de Ministre des Transports ou de la Défense nationale», a écrit Raymond Tshibanda, responsable temporaire du FCC.
Le camp de l'ancien président de la République, maintes fois pointé du doigt par Félix Tshisekedi d'être derrière l'AFC de Corneille Nangaa, dénonce le récent communiqué du ministre de la justice affirmant la complicité des invités de la justice militaire à l'AFC/M23. Il estime que ces allégations de Constant Mutamba violent le droit à la présomption d'innocence des personnes invitées, garanti par la constitution.
«Le FCC fustige cette instrumentalisation de la Justice, au mépris du sacro-saint principe démocratique de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il dénonce par ailleurs la stratégie derrière cette instrumentalisation et dont l'objectif est sans conteste multiple: rétrécir davantage l’espace démocratique; exclure le PPRD, et par-delà le FCC, de la scène politique congolaise sur la base d'arguties et artifices judiciaires; réduire à néant une opposition politique largement émasculée depuis la parodie électorale de 2023, grâce à une fraude d'ampleur inédite; et masquer la vacuité stratégique d'un régime aux abois, face à la crise multiforme que traverse notre pays», a-t-il ajouté qualifiant le régime en place d'une «dictature abjecte, à combattre et non à soutenir ».
Le weekend écoulé, le secrétaire permanent du PPRD, Emmanuel Ramazani Shadary, était invité au ministère de l'intérieur et sécurité pour expliquer la récente communication du parti de Joseph Kabila, au lendemain de la sortie médiatique de ce dernier, en Namibie. Lors d’une réunion à Kinshasa, le vice-président du PPRD, Aubin Minaku, avait déclaré :
« Le Chef a dit, il faut être prêt à tout, quand le chef dit qu'il faut être prêt à tout chacun de nous, un PPRD pur-sang comprend, quand le chef dit : fini le moment du silence, des actions clandestines, maintenant c'est le moment des actions ouvertes. Je m'assume, ça dit tout ».
Ces propos ont suscité plusieurs réactions dans le camp du président de la République, renforçant ainsi la thèse selon laquelle Joseph Kabila serait l'auteur du mouvement politico-militaire de l'alliance fleuve Congo (AFC) qui, en synergie avec le M23, mène une conquête sans précédent dans l'est de la RDC, avec le soutien avéré du Rwanda.
Samyr LUKOMBO