L’actualité de la semaine vue par Ermelices N’samba

Photo/ droits tiers
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De l’annonce du remaniement gouvernemental en RDC à la guerre dans l’Est, en passant par la sortie médiatique de Jean-Marc Kabund après sa libération, la semaine qui vient de s'achever a été riche en actualités. Retour sur ces faits marquants avec Ermelices N’samba.

Merci de nous accorder de votre temps, Madame. Pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?

Ermelices N’samba : Je suis juriste de formation, engagée dans la promotion des droits humains et la justice sociale. Je suis passionnée par la lutte contre les violences faites aux femmes et l'amélioration des conditions de vie de mes concitoyens, en particulier les enfants. C’est dans ce cadre que je travaille avec la Synergie des Jeunes Africains pour la Consolidation de la Paix et de la Sécurité en tant que chargée des Programmes, et au sein de la Fondation Chris Ngal où j'occupe les mêmes fonctions. Je suis également membre d’U-report.

Félix Tshisekedi a récemment annoncé un remaniement gouvernemental imminent et une restructuration de sa famille politique. Comment percevez-vous cette décision du Président ?

Ermelices N’samba : Je perçois cette décision comme une tentative de renouvellement et une réponse aux attentes de la population, qui critique souvent la gouvernance actuelle. Cependant, la réussite de cette initiative dépendra de la manière dont ces changements seront mis en œuvre et de la volonté réelle de résoudre les problèmes structurels.

Pensez-vous que cette restructuration pourra réellement résoudre les problèmes de gouvernance en RDC ? 

Ermelices N’samba : Cette restructuration peut représenter une opportunité de changement, mais elle ne résoudra pas à elle seule les problèmes de gouvernance en RDC. Elle ne constitue pas une solution unique aux défis de notre gouvernance. Il est essentiel de soutenir ces changements par des réformes profondes et des engagements authentiques pour lutter contre les mauvaises pratiques et promouvoir la transparence.

La rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, continue de semer la terreur dans l’Est de la RDC. Comment analysez-vous la situation ?

Ermelices N’samba : La situation actuelle est très alarmante. Le soulèvement du M23, soutenu par le Rwanda, intensifie les tensions et engendre une atmosphère d’insécurité grave, marquée par des massacres et des atrocités. Il est impératif que la communauté internationale intervienne rapidement pour protéger les civils et soutenir des processus de paix inclusifs, en RDC et particulièrement dans cette région en conflit. Les acteurs locaux, à tous les niveaux, doivent également jouer un rôle actif pour soutenir la paix et la sécurité dans notre pays, et contribuer à l’élaboration de stratégies pour mettre fin à ce soulèvement.

Félix Tshisekedi a évoqué un deal minier avec les États-Unis. Pensez-vous qu’il puisse réellement aboutir à une paix durable ?

Ermelices N’samba : Pour qu’une paix durable soit atteinte, il faut des solutions intégrées qui prennent en compte les besoins des populations locales, le développement économique et social, ainsi que la justice sociale, plutôt qu’une simple transaction économique incertaine.

L’ONU a récemment rapporté l’enlèvement de 116 patients de l’hôpital CBCA Ndosho et de 15 autres de l’hôpital Heal Africa à Goma par les rebelles du M23. Quelle est votre réaction face à ces actes de violence ?

Ermelices N’samba : Ces actes sont inacceptables et témoignent d’une crise humanitaire profonde. Ils constituent une violation grave des droits humains, notamment du droit à la santé et à la protection des civils, comme le prévoit le Droit International humanitaire. Ces actions vont à l’encontre des principes fondamentaux de dignité humaine. Une réponse collective est essentielle pour prévenir de telles atrocités à l’avenir, par des enquêtes, des recours judiciaires et surtout par la protection accrue des citoyens.

Comment la société civile congolaise peut-elle réagir face à de telles violations des droits humains, en particulier lorsque ces actions sont menées par des groupes armés ?

Ermelices N’samba : La société civile doit continuer à dénoncer ces violations, à mobiliser les communautés et à travailler en collaboration avec les institutions tant nationales qu’internationales pour promouvoir la protection des droits humains. L’éducation et la sensibilisation demeurent également cruciales.

Joseph Kabila a exprimé son soutien au retrait des troupes étrangères opérant illégalement en RDC. Partagez-vous cet avis ? Quelles en seraient les conséquences sur la stabilité du pays ?

Ermelices N’samba : Je partage cet avis. Le retrait des troupes étrangères opérant illégalement pourrait favoriser la souveraineté nationale, mais cela nécessite l’élaboration d’une stratégie pour renforcer les compétences des forces de sécurité congolaises.

Pensez-vous que cette position pourrait favoriser une meilleure résolution des conflits internes ou, au contraire, aggraver la situation ?

Ermelices N’samba : Cette position pourrait favoriser une meilleure résolution des conflits internes, si elle est réalisée de manière inclusive et transparente. Toutefois, un retrait précipité et mal géré pourrait intensifier les tensions et créer un vide de pouvoir.

Jean-Marc Kabund, après sa libération, a exprimé son désir de briguer la Présidence en 2028. Quel impact, selon vous, cette prise de position pourrait-elle avoir sur la scène politique congolaise ?

Ermelices N’samba : Cette candidature pourrait polariser davantage le paysage politique de notre pays. Il est essentiel qu'il aborde cette dynamique avec prudence, en respectant les normes démocratiques, l’engagement civique, les principes de droit et des droits politiques.

Le Président Tshisekedi a proposé un gouvernement d’union nationale. Jean Marc Kabund a rejeté cette idée. Selon vous, quelles seraient les conséquences de l’absence d’un tel gouvernement pour l’unité nationale ?

Ermelices N’samba : Il est important que les acteurs politiques et sociaux congolais s’unissent pour défendre l’intégrité du pays contre les menaces extérieures. Bien que cette proposition ne soit pas une solution directe aux problèmes du pays, elle reste cruciale pour éviter l’accentuation des divisions, ce qui nuirait à l’unité nationale. Cela pourrait également entraver les efforts de réconciliation et de développement.

Les organisations des droits humains alertent sur une recrudescence des féminicides en Iran. Face à des lois qui répriment les femmes et à la violence d’État, la société iranienne tente de combattre le silence autour des crimes d’honneur. Quelle lecture faites-vous de ceci ?

Ermelices N’samba : C’est une situation tragique qui souligne l’importance d’un combat constant pour les droits des femmes. La résistance de la société iranienne face à la violence d’État est inspirante et témoigne de la puissance des mouvements sociaux.

Quelles leçons la RDC pourrait-elle tirer de cette situation en matière de droits des femmes ?

Ermelices N’samba : La RDC peut tirer des leçons sur l’importance de l’engagement citoyen et de la solidarité dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Il est crucial d’adopter des lois protectrices et de sensibiliser la population à ces enjeux.

La mission de la CEDEAO a récemment visité la Guinée-Bissau pour tenter de résoudre un conflit politique autour de la fixation de la date de la présidentielle. Selon vous, quel rôle devrait jouer la CEDEAO dans la résolution des conflits politiques internes en Afrique de l’Ouest et au-delà, notamment en RDC ?

Ermelices N’samba : La CEDEAO doit jouer le rôle de médiateur et d’aide à la résolution des conflits. Son intervention doit être proactive et fondée sur le dialogue entre les parties prenantes.

Dans ce contexte, l’intervention de la CEDEAO en Guinée-Bissau a pris fin après des menaces d’expulsion du président Umaro Sissoco Embalo. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

Ermelices N’samba : La fin de l’intervention de la CEDEAO met en évidence les limites de l'influence extérieure face à la détermination des leaders locaux. Cela souligne l’importance d’un consensus interne pour une résolution pérenne des conflits.


Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka