Le monde célèbre chaque 14 Mars, la journée mondiale du rein. À cette occasion, le Desk Femme d’Actualite.cd s’est entretenu avec le néphrologue Vincent Nkamba pour mieux comprendre l’insuffisance rénale, ses causes, ses effets ainsi que les défis spécifiques auxquels les femmes kinoises sont confrontées.
Docteur, qu’est-ce que l'insuffisance rénale et comment se manifeste-t-elle ?
Vincent Nkamba: L'insuffisance rénale se produit lorsque les reins perdent progressivement leur capacité à filtrer les déchets et l’excès de liquide dans le sang. Cette défaillance peut être aiguë ou chronique. La forme chronique, plus fréquente, se développe sur plusieurs années et peut entraîner des complications graves si elle n’est pas traitée à temps.
Les symptômes peuvent inclure la fatigue, des gonflements des jambes, des douleurs dans la région lombaire, des difficultés à uriner ou encore une hypertension artérielle. Dans les cas avancés, des problèmes cardiaques et respiratoires peuvent survenir.
Quelles peuvent être les causes de cette insuffisance rénale?
Vincent Nkamba: La principale cause de l'insuffisance rénale en République Démocratique du Congo reste l'hypertension artérielle non traitée et le diabète, des maladies de plus en plus courantes dans la population. En outre, des infections urinaires répétées, souvent dues à une mauvaise hygiène ou à un accès limité aux soins médicaux, peuvent également endommager les reins sur le long terme.
Les femmes, en particulier, sont plus vulnérables en raison des grossesses successives et de l'anémie qui en découle parfois, ce qui peut aggraver les conditions rénales. Elles sont aussi souvent confrontées à des infections urinaires qui, si elles ne sont pas prises en charge, peuvent mener à une insuffisance rénale.
Comment prévenir cette maladie, notamment chez les femmes ?
Vincent Nkamba: Une question essentielle qui se pose aujourd'hui concerne la prévention de l'insuffisance rénale. La prévention repose sur le contrôle des facteurs de risque tels que l’hypertension et le diabète. Il est crucial d'inciter les femmes à surveiller leur tension artérielle et leur taux de sucre dans le sang, notamment en effectuant des bilans de santé réguliers. Une alimentation équilibrée, la pratique régulière d’une activité physique et l’hydratation sont également des mesures préventives fondamentales
Quels sont les effets spécifiques de l'insuffisance rénale sur les femmes à Kinshasa?
Vincent Nkamba: Les femmes de Kinshasa, comme ailleurs, subissent des effets dévastateurs lorsque l'insuffisance rénale s'aggrave. Si les hommes sont également touchés, les femmes, dans certains cas, présentent des risques accrus en raison de facteurs biologiques et socio-économiques. La grossesse non surveillée et l’accouchement à domicile, fréquents dans certaines régions, peuvent entraîner des complications rénales qui passent souvent inaperçues jusqu'à ce qu’il soit trop tard.
Dans nos consultations, nous observons que de nombreuses femmes viennent trop tardivement. L'insuffisance rénale touche souvent les femmes de 40 à 60 ans, celles qui ont eu plusieurs grossesses et souffrent d'hypertension mal contrôlée. Les femmes âgées, particulièrement celles sans accès à une éducation sanitaire, sont plus susceptibles de négliger les signes avant-coureurs de la maladie rénale.
Comment se fait la prise en charge de ces femmes ?
Vincent Nkamba: La prise en charge de l'insuffisance rénale en RDC demeure un défi considérable, en raison de l’insuffisance des infrastructures médicales, de la faiblesse des campagnes de sensibilisation et de l’accès limité aux traitements spécialisés.
La dialyse et les transplantations rénales sont des options disponibles, mais elles sont souvent hors de portée de nombreuses patientes en raison des coûts élevés et du manque de centres spécialisés en néphrologie. En outre, le personnel médical formé pour traiter ces pathologies est insuffisant, ce qui complique encore davantage le diagnostic et le suivi des patientes.
Cependant, des progrès sont réalisés avec l’augmentation des formations spécialisées et des initiatives pour fournir une prise en charge plus accessible. Des campagnes de prévention, centrées sur les facteurs de risque comme l’hypertension et le diabète, sont essentielles pour limiter l’apparition de cette maladie.
Quelles solutions pour améliorer la prise en charge des femmes atteintes d’insuffisance rénale à Kinshasa ?
Vincent Nkamba: Pour améliorer la situation, on doit renforcer la sensibilisation et la prévention. Les femmes doivent être mieux informées des risques liés à l’hypertension, au diabète et aux infections urinaires. Une gestion préventive des facteurs de risque dès le plus jeune âge pourrait réduire considérablement l’incidence de l'insuffisance rénale.
De plus, le renforcement des structures de santé publiques, l’augmentation des moyens d’accès aux soins de dialyse et des transplantations, ainsi que l’amélioration des formations médicales en néphrologie sont des priorités urgentes. Il faut également une politique de santé publique qui place l’éducation sanitaire et le suivi médical au cœur des préoccupations.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka