Kinshasa: Entretien avec des femmes unies pour l’autonomie financière et la justice sociale

Photo/droits tiers
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À Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, les défis économiques, sociaux et juridiques sont omniprésents. Dans ce contexte difficile, certaines femmes ont choisi de se regrouper pour chercher des solutions visant à améliorer leur quotidien. Grâce à des associations de solidarité et des réseaux de soutien communautaire, elles parviennent à surmonter les obstacles et à créer des opportunités pour elles-mêmes et pour les autres. Ce lundi 17 mars, le Desk Femme d'Actualité.cd a rencontré deux groupes de femmes qui se battent pour leur autonomie financière et pour la justice face aux violences conjugales.

Le Groupe "Maman Champignon" : Solidarité et autonomie financière par la culture du champignon

Dans la commune de Mont Ngafula, quartier Selembao, un groupe de sept femmes a décidé de s'unir pour produire des champignons comestibles destinés à la vente sur le marché local. L’association « Maman Champignon », fondée il y a près de deux ans, a pour objectif principal de promouvoir l’autosuffisance financière et de créer des opportunités d'emploi pour les femmes vulnérables.

« Cinq d’entre nous prions ensemble, les deux autres sont des femmes du quartier où nous exerçons. L’idée m’est venue à  cause de la misère, et j’en ai parlé à mes deux consœurs de l’église, qui ont à leur tour mobilisé d’autres femmes. Au départ, nous manquions de ressources, mais ensemble, nous avons mis en commun nos petites économies, nos idées et notre volonté. Aujourd’hui, nous produisons des champignons que nous vendons sur les marchés de Kinshasa. Ce projet a changé notre vie. Non seulement il nous permet de gagner de l'argent, mais il nous aide aussi à nous soutenir mutuellement. Nous avons créé des emplois pour d'autres femmes et formé des jeunes pour qu'elles puissent démarrer leurs propres activités. La solidarité est ce qui nous permet de continuer », explique Anuarite Wanza, porte-parole du groupe.

Bien que le projet soit encore en développement, le groupe connaît déjà un franc succès. Anuarite précise que l’association bénéficie de partenariats avec des organisations locales, qui offrent des formations techniques et des financements. « Maman Champignon » participe également à des initiatives de formation sur l'agriculture urbaine.

Le Groupe "Justice pour Elles" : Soutien aux femmes victimes de violences conjugales en quête de justice

À Ngiri-Ngiri, une autre commune de Kinshasa, un groupe de femmes lutte contre une autre forme d’injustice sociale : les violences conjugales. Créé par des femmes ayant vécu ou observé des violences au sein de leur foyer, le groupe « Justice pour Elles » œuvre pour aider ses membres à obtenir le divorce, souvent difficile à obtenir en raison de la stigmatisation sociale qui entoure la séparation.

« Nous avons toutes vécu l’horreur des violences conjugales : violences physiques, psychologiques, humiliations et rejet. Mais nous avons décidé qu'il était temps d’agir. Ce groupe nous permet de nous soutenir mutuellement, de nous donner le courage de nous présenter devant les juges et de nous battre pour notre droit à une vie libre et digne. Grâce à l’entraide, nous avons trouvé des avocats qui acceptent de nous défendre gratuitement. Certaines d'entre nous ont déjà obtenu leur divorce, d'autres y travaillent encore. Mais ce que nous savons, c’est qu’ensemble, nous avons la force de nous relever », raconte Marie-Paul Nsenga, présidente du groupe.

Le groupe fonctionne selon un principe de solidarité juridique. Les membres échangent leurs expériences et s’entraident pour trouver des avocats bénévoles ou des organisations de défense des droits des femmes. Elles mènent également des actions de sensibilisation dans leur communauté pour briser le tabou entourant le divorce, en particulier pour les femmes victimes de violences conjugales.

Cependant, « Justice pour Elles » fait face à de nombreux défis, notamment la stigmatisation sociale, l'accès limité à la justice en raison du manque de ressources financières et la lenteur des procédures judiciaires. De plus, la peur de représailles de la part des conjoints violents ou de la famille empêche de nombreuses femmes de parler ouvertement de leurs problèmes. Elles sont souvent isolées et manquent de soutien psychologique et émotionnel.

Pour surmonter ces obstacles, le groupe a établi des partenariats avec des avocats bénévoles et des ONG spécialisées dans la défense des droits des femmes. Ces collaborations leur ont permis d’obtenir une aide juridique gratuite ou à faible coût. Certaines membres ont également bénéficié de conseils lors de leurs rencontres communautaires. Le groupe organise aussi des ateliers de sensibilisation dans plusieurs communes pour informer les femmes sur leurs droits, y compris ceux liés au divorce et aux violences conjugales, dans le but de déconstruire les stéréotypes sociaux et encourager d’autres femmes à demander de l’aide.

Ces deux groupes incarnent la détermination de femmes qui, face aux difficultés, choisissent de se soutenir mutuellement et de lutter pour leurs droits. Ces initiatives sont une lueur d'espoir pour de nombreuses femmes qui, comme les membres de « Maman Champignon » et « Justice pour Elles », refusent de se laisser submerger par les épreuves de la vie. Elles font le choix de se battre pour leur autonomie, leur dignité et un avenir meilleur.

Comme l’a souligné Anuarite Wanza du groupe « Maman Champignon » :
« L'essentiel, c'est que nous avons compris que nous ne devons pas rester seules dans nos difficultés. En nous unissant, nous devenons plus fortes. »

De son côté, Marie-Paul Nsenga, présidente du groupe « Justice pour Elles », conclut :
« Il ne s'agit pas seulement de divorcer, mais de nous libérer des chaînes invisibles qui nous retiennent et de montrer aux autres femmes qu'il est possible de se relever. »


Nancy Clémence Tshimueneka