Les sénateurs ont adopté en seconde lecture le projet de loi portant prorogation de l'état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. L'objectif poursuivi par le gouvernement est de consolider les acquis des forces armées sur le terrain afin de rétablir réellement l'autorité de l'État dans ce coin du pays.
Intervenant lors du débat général de ce texte, le sénateur Jean Mukinti Baumbila a déploré certains dysfonctionnements liés à la mise en œuvre de cette mesure d'exception sur le terrain. À en croire l'élu de la province du Nord-Kivu, avec le dépouillement des compétences des gouverneurs militaires, l'état de siège n'a pas sa raison d'être.
« Quand nous sommes à Kinshasa on ne s'aperçoit pas ce que vivent ces populations là du Nord-Kivu et de l'Ituri suite à l'état de siège. Nous, nous considérons ça comme une formalité mais cet état de siège a des effets sur la vie quotidienne de ces populations entre autres la privation des libertés. Avec l'état de siège, il y a l'augmentation des taxes illégales créées par ces autorités. On va vous dire qu'il y a d'escortes à des voyageurs, savez-vous aujourd'hui qu'ils vous faut deux semaines en attendant qu'on fasse l'escorte tout simplement parce que les autorités militaires attendent qu'il y ait suffisamment des véhicules comme ça il y a une cagnotte assez suffisante en ce moment là donc on attend qu'on aie 300 ou 400 véhicules entre Beni et Bunia pour escorter et les gens souffrent mais personne ne voit ça », a déploré le sénateur Jean Mukinti Baumbila lors de la plénière du lundi 17 octobre 2022.
Et de poursuivre :
« Si l'on examine aujourd'hui, l'état de siège est vidé de son contenu. L'ordonnance du Président de la République en proclamant l'état de siège a pris des mesures d'encadrement notamment la nomination des autorités militaires à la tête de l'administration provinciale et puis autres ; et à ces autorités là on a confié le commandement des opérations pour unifier le commandement. A cela aussi on a pris les affaires pénales, on les a confiées aux juridictions militaires mais aujourd'hui, la ministre de la justice est là et sait que les affaires pénales on les a restituées aux juridictions civiles et au niveau de commandement des opérations le gouverneur militaire n'est plus le commandant des opérations parce qu'on a nommé un autre général pour les opérations alors dites moi qu'est ce qui reste encore de l'état de siège ? On a les autorités militaires qui sont là, ils ont juste l'administration que devrait faire le gouverneur civil et alors pourquoi maintenir ça parce que disons le but poursuivi d'unifier le commandement, d'unifier tout à la tête d'une seule personne est déjà vidée de son contenu ».
Il s'est montré sceptique à l'idée de la tenue d'une table ronde sur l'état de siège. Pour lui, cette mesure a montré des limites et invite le gouvernement à réfléchir sur d'autres mesures.
« Aujourd'hui un sénateur, un député national qui commettait une infraction au Nord-Kivu et l'Ituri ne jouit plus de ses immunités, l'état de siège est une mesure d'exception, quand la mesure a été prise par le gouvernement le parlement avait été consulté pour valider, la société civile n'a pas été consultée donc qu'on cesse un peu de multiplier des stratagèmes pour dire qu'il y aura une table ronde, on va se retrouver pour essayer de parler avec tout le monde avant d'examiner sa suite, qu'on constate qu'on est devant une situation d'exception qui a pris du temps et qu'on prenne d'autres mesures que ceux-là », a fait savoir un des 4 sénateurs de la province du Nord-Kivu.
Instauré en mai 2021 au Nord-Kivu et Ituri, l’état de siège avait décidé du remplacement des autorités civiles des entités décentralisées de ces provinces par des militaires pour faciliter la traque des rebelles nationaux et étrangers. Mais des activistes de la société civile, acteurs politiques et d'autres élus ne cessent de dénoncer l’inefficacité de cette mesure exceptionnelle qui n’a pas su stopper les violences. À l'heure actuelle, ils appellent pour le retour des civils à la gestion politico-administrative des provinces pour permettre aux militaires de se concentrer aux opérations militaires. Une table ronde est annoncée pour le mois de novembre afin de statuer sur son avenir.
Clément MUAMBA