La ville d'Uvira, dans le Sud-Kivu, traverse une crise sécuritaire sans précédent. Entre les affrontements entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et les milices Wazalendo et la psychose sur l’avancée des rebelles du M23 appuyés par Kigali, les pillages et les violences contre les civils se multiplient, plongeant la population dans l’angoisse et la désolation.
Depuis plus d’une semaine, des tirs d’armes lourdes et légères résonnent dans toute la ville et ses environs, provoquant la panique au sein des habitants. « Nous vivons une situation traumatisante, avec des crépitements de balles jour et nuit, des pillages systématiques avec violence, voire des tueries, y compris dans des maisons familiales, des couvents de prêtres et de religieuses », a déclaré Mgr Sébastien-Joseph Muyengo Mulombe, évêque d’Uvira, dans un message adressé aux habitants.
Banques, pharmacies, marchés et centres de santé ont fermé leurs portes. Les autorités politico-administratives, ainsi qu’une grande partie de la police et de l’armée, ont fui vers le Burundi, Kalemie ou même la Tanzanie, laissant une population livrée à elle-même.
Des groupes armés, parmi lesquels des militaires en déroute et des combattants non identifiés, terrorisent la ville en s’attaquant aux commerces et aux domiciles. « Nous assistons à une anarchie totale. Même les couvents et les institutions religieuses ne sont pas épargnés. Des hommes armés entrent de force, volent, frappent et parfois tuent », a dénoncé Mgr Muyengo Mulombe.
Le jeudi 20 février, trois militaires ont pris d’assaut l’évêché d’Uvira, obligeant l’évêque et deux prêtres à leur remettre leurs téléphones et de l’argent, raconte un membre de la société civile à ACTUALITE.CD. « Ce genre d’actes est inacceptable. Quand l’armée, censée protéger, devient une menace, la population n’a plus aucun recours », a déploré le prélat.
Les combats entre les FARDC et les Wazalendo, censés défendre le même camp contre l’AFC/M23, ne font qu’ajouter au chaos. « L’armée nationale se divise et se tire dessus, alors que l’ennemi avance. Quel signal envoyons-nous aux populations meurtries ? », s’est interrogé un responsable local de la société civile.
Face à cette insécurité, des milliers d’habitants ont pris la fuite. Ceux qui restent vivent cloîtrés, manquant de vivres, d’eau potable et d’électricité. « Sans marché ni approvisionnement, comment allons-nous survivre ? », s’inquiète Marie, une mère de cinq enfants qui a trouvé refuge dans une paroisse d’Uvira.
L’évêque lance un cri d’alarme aux soldats engagés dans le conflit : « Un vrai soldat doit savoir pourquoi il se bat. Il ne doit pas se battre pour des hommes, mais pour la patrie et la protection des civils. » Il appelle également les belligérants à respecter la vie humaine et à éviter les massacres.
Alors que les combats s’intensifient dans la plaine de la Ruzizi et que le M23 continue son avancée, l’évêque exhorte les autorités à privilégier le dialogue pour éviter l’effondrement total de la ville. « Nous devons trouver une issue politique et négociée. Sinon, nous risquons d’assister à un bain de sang qui pourrait marquer Uvira pour des générations », a-t-il averti.
Dans ce climat de peur et d’incertitude, l’Église exhorte les habitants à la prudence et au respect des consignes de sécurité, notamment le couvre-feu instauré à 21h. « Nous devons nous montrer vigilants et éviter les sorties inutiles », a insisté l’évêque.