RDC-M23: Mary Lawlor (experte de l'ONU) se dit préoccupée et sollicite l'implication de la communauté internationale pour la sécurité des défenseurs des droits de l’homme dans l’est du pays

Les rebelles du M23 dans la ville de Bukavu
Les rebelles du M23 dans la ville de Bukavu

Face à la détérioration continue de la situation sécuritaire et humanitaire dans l'Est de la République Démocratique du Congo marquée par les offensives de la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda, Mme Mary Lawlor, experte des Nations Unies et Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme appelle à un soutien urgent et concret aux défenseurs des droits de l’homme dans la région.

Dans une déclaration faite ce mercredi 5 mars 2025 à Genève (Suisse), elle révèle que les défenseurs des droits de l’homme dans l’est de la RDC courent actuellement un risque extrême de représailles pour leur travail en faveur des droits de l’homme, et nécessitent une aide immédiate, y compris un soutien pour une réinstallation temporaire avec leurs familles.

« Ces dernières semaines, j’ai reçu d’innombrables alertes demandant un soutien et j’ai parlé directement avec des défenseurs sur le terrain. Ils vivent dans la peur et les risques sont réels. Récemment, un défenseur m’a informé que les rebelles du M23 avaient dressé des listes de défenseurs des droits de l’homme à appréhender dans les zones qu’ils contrôlent », a déclaré l’experte des Nations Unies.

La Rapporteuse spéciale a déclaré avoir reçu des informations crédibles selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme sont détenus au secret, disparus de force et torturés à Rutshuru et Masisi, dans le Nord-Kivu, tandis qu’au moins six défenseurs des droits de l’homme sont portés disparus après avoir tenté de fuir Goma, suite à la prise de la ville par le M23 fin janvier.

« Certains défenseurs des droits de l’homme n’ont pas eu d’autre choix que de fuir leur domicile. Ceux qui parviennent à gagner d’autres villes n’ont pas les moyens de trouver un abri ou de subvenir à leurs besoins quotidiens. D’autres sont restés dans les zones contrôlées par les rebelles, mais craignent pour leur sécurité. Un défenseur m’a demandé comment il pouvait continuer à se cacher alors que le M23 commençait à effectuer un recensement à Goma », a indiqué Mme Mary Lawlor, experte des Nations Unies.

Par ailleurs, les détenus qui se sont évadés des prisons de Goma, Kalehe, Bukavu et Uvira, suite à l’offensive du M23, présentent également des risques vis-à-vis des DDH. Parmi les prisonniers, des criminels violents et des chefs de groupes armés condamnés pour de graves violations des droits de l’homme assimilables à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité.

« Nous savons que les violences sexuelles et sexistes liées aux conflits dans l’est de la RDC sont endémiques et que les femmes qui prennent position contre les violations des droits de l’homme dans de tels contextes, et qui deviennent visibles par leur travail, en font souvent les frais. Il est consternant de penser que 25 ans après la résolution historique du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, ces événements se déroulent sous les yeux d’un monde largement apathique » a-t-elle déploré dans sa déclaration.

Par ailleurs, la Rapporteuse spéciale a également attiré l’attention sur les risques encourus par les défenseurs des droits de l’homme dans les zones isolées et rurales, notamment les assassinats, les disparitions forcées et les enlèvements, et a souligné l’impact psychologique de la situation sur les personnes présentes sur le terrain.

« Les défenseurs étaient déjà menacés dans la région à la fois par le gouvernement et par les groupes armés mais comme l’a décrit une femme défenseur des droits de l’homme lors d’un entretien avec moi, il n’y a désormais plus de répit, l’insécurité est constante et il n’y a pas de protection. J’appelle la communauté internationale à reconnaître sa responsabilité collective à l’égard de ces défenseurs des droits de l’homme et je demande instamment aux États membres de les rechercher et d’explorer toutes les possibilités d’assistance rapide afin d’éviter que la situation ne se détériore davantage », a plaidé Mme Mary Lawlor.

La situation dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) se détériore fortement, entraînant de graves violations des droits humains et des atteintes à ces derniers, dont des exécutions sommaires, notamment d’enfants, et des violences sexuelles et fondées sur le genre liées au conflit.

Selon l'ONU, des hôpitaux et des entrepôts humanitaires ont également été attaqués, et des menaces ont été proférées contre le système judiciaire. L’avancée du M23, soutenu par le Rwanda, dans le Nord et Sud-Kivu a plongé la région dans une crise sécuritaire et humanitaire complexe provoquant des déplacements de population.

Clément MUAMBA